Mission et moyens d'action des représentants du personnel

LES TRAVAILLEURS A STATUT PRÉCAIRE
Ces nouveaux mercenaires de notre société
industrielle payent un lourd tribut à l'accident

On les a vus arriver au tribunal, le crâne pelé, marbré par les rayons ; l'un d'entre eux, porté sur un brancard, dressait ses moignons de bras pour saluer la foule. Images terribles qui, sur les écrans du 20 heures, ont secoué la France entière, Images de trois vies gâchées. broyées par la bêtise, la négligence, l'appât du gain, images qui devraient faire réfléchil tous ceux qui ont choisi d'exploiter un nouveau Mon: le travail précaire.

Bien sûr, les dirigeants de la Société E.B.S. de FORBACH qui ont laissé ces ouvriers pénétrer dans un accélérateur de particules, ont été condamnés à la prison ; les trois intérimaires, eux, sont peut-être condamnés à mort. Triste exemple qui illustre, s'il en était besoin, la situation faite à ceux qui, pour subsister, sont devenus des intérimaires, des temporaires, des précaires.

Heureusement, tous les travailleurs temporaires ne sont pas aussi honteusement exploités, leur situation s'est même améliorée du fait surtout de récentes mesures gouvernementales et de l'adoption de textes conventionnels négociés et signés par Force Ouvrière ; mais - combien d'entre nous ont pu le vérifier - ces mesures sont souvent mal appliquées, voire ignorées ! D'ailleurs, les chiffres parlent d'euxmêmes: les intérimaires sont deux fois plus accidentés que la moyenne des salariés.

Les causes de cette suraccidentabilité ont été maintes fois dénoncées ; les intérimaires pénètrent dans un monde inconnu, auquel Us n'ont pas le temps de s'habituer. On leur confie souvent des tâches difficiles, insalubres, dangereuses, sans trop vérifier leur qualification. Eux-mêmes ont tendance à en faire trop dans l'espoir d'une embauche définitive.

Face à ce phénomène de la précarité qui risque de s'amplifier encore, les représentants salariés au CHSCT se doivent de manifester une solidarité agissante à ces nouveaux mercenaires de notre société industrielle et de porter une attention particulière à leurs problèmes.

En premier lieu, il doivent s'assurer que les dispositions légales,, réglementaires et conventionnelles prises en leur faveur sont intégralement appliquées, notamment sur les points suivants:

Les contrats de mise à disposition doivent être portés à la connaissance des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice, s'ils en font la demande (art. L 422-1 et L 432 - 4-1 du code du travail). Dans certains cas (postes touchés par un licenciement économique, accroissement temporaire d'activité) la consultation du C.E. est même obligatoire. Dans les entreprises d'au moins 300 salariés, le C.E. doit être informé chaque trimestre de la présence de salariés sous contrat temporaire et il peut demander à connEiÎtre les motifs du recours à ces salariés, ainsi que le nombre de journées de travail effectuées par les intéressés,

Responsabilités de l'entreprise utilisatrice

Pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions de travail du salarié temporaire pour tout ce qui touche à la durée du travail, au repos hebdomadaire, au travail de nuit, à l'hygiène et à la sécurité. Sur ce dernier point, rappelons que le salarié intérimaire doit bénéficier d'une information et d'une formation à la sécurité dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise.

Trois cas peuvent être envisagés:

Le travailleur temporaire doit alors bénéficier d'une information et d'un accueil adaptés et recevoir une formation renforcée.

Rappelons également que les salariés intérimaires ont accès à tous les moyens mis à la disposition des salariés permanents: services de transport et de restauration, douches, vestiaires, installations sportives, salle de repos, etc... (Signalons la publication récente d'un texte de recommandatons aux entreprises de l'industrie chimique employant du personnel temporaire, qui donne des conseils judicieux sur l'accueil, la définition du travail, les procédures d'autorisation, les moyens de protection, l'analyse des risques. Il pourrait inspirer utilement les entreprises des autres secteurs d'activité.)

Quatre remarques importantes pour clore ce chapitre:

LA SOUS-TRAITANCE
Une obligation d'information sur les risques auxquels
sont exposés les travailleurs mis à disposition
pèse désormais sur les entreprises, qu'elles soient
utilisatrices ou intervenantes

Face à une concurrence de plus en plus dure, un nombre sans cesse croissant d'entreprises choisissent de concentrer leurs moyens et leurs capacités sur un noyau dur d'activités - celles où elles sont les plus compétitives - et sous-traitent toutes les activités annexes ou de moindre importance: approvisionnement en pièces ou en matières premières (flux tendus) enlèvement, transport, stockage, livraison, entretien des machines et installations, nettoyage des locaux, etc....

Pour les mêmes raisons, mais conformément à une tradition plus ancienne, le secteur de la construction et de l'aménagement de bâtiments fait appel de façon quasi systématique à la sous-traitance.

Malheureusement, les activités les moins rentables sont aussi, très souvent, les plus dangereuses. Un constat qui se reflète dans les statistiques d'accidents et qui se vérifié d'autant plus que les travaux sont exécutés par des salariés dont la qualification est parfois insuffisante et qui ignorent tout de l'entreprise dans laquelle ils opèrent.

Et le risque d'accident s'aggrave encore lorsque intervient le phénomène de la sous-traitance en cascade. Selon un mécanisme désormais classique, l'entreprise utilisatrice fait appel à une entreprise intervenante, aux moyens limités et peu structurée (même si elle est techniquement compétente) qui, au dernier moment, va confier le travail à un artisan utilisant des ouvriers non qualifiés, voire des intérimaires ''bouche-trou".

Et même si le recours à la sous traitance s'effectue correctement, il n'en reste pas moins que l'intervenant se trouve placé sous la dépendance de l'entreprise utilisatrice qui dans la plupail des cas, va lui imposer des conditions et des délais draconiens. D'où l'obligation pour le sous-traitant de soumettre son personnel à de véritables cadences infernales pour respecter le contrat (dépassement d'horaires, travail de nuit et du dimanche, etc... ). Enfin, du fait de leur effectif réduit, il n'est pas rare que les salariés du sous-traitant ne disposent d'aucune institution représentative qui puisse les défendre. D'où de nombreuses entorses à la réglementation du travail qui, immanquablement, seront à l'origine d'accidents du travail.

Interférence et simultanéité

Pendant longtemps, les rapports entre l'entreprise principale et ses sous-traitants ont été réglés (si l'on peut dire!) par un décret du 19 août 1977. Devant le développement galopant de la sous-traitance et constatant les dégâts humains qu'engendre cette pratique, les pouvoirs publics ont bien été obligés de renforcer, en matière d'hygiène et de sécurité, les dispositions réglementant les conditions d'intervention de ces nouveaux mercenaires, notamment en ce qui concerne leur information et celle des CHSCT. C'est l'objet du décret du 20 février 1992 (J.O. du 22-02-992) codifié aux articles R 237-1 et suivants du code du travail. Il s'agit d'un texte long, très détaillé, complexe (trop peut-être) dont nous ne pouvons retenir ici que les dispositions principales. Les militants directement intéressés ont donc tout intérêt à se procurer le texte intégral de ce décret ainsi que celui de la circulaire DRT no 93/14 du 18 mars 1993 prise pour son application et dont nous citons des extraits au chapitre ''Textes officiels''.

Le décret vise à protéger les travailleurs contre les risques pouvant résulter de l'interférence et de la simultanéité des activités de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise intervenante, Il transpose certains articles de la directive européenne du 12 juin 1989. Il s'applique à toutes les entreprises faisant intervenir leur personnel "aux fins d'exécuter une opération ou de participer à l'exécution d'une opération, quelle que soit sa nature, industrielle ou non, dans un établissement d'une entreprise dite utilisatrice, ou dans ses dépendances ou chantiers". Le cas des intérimaires utilisés directement par l'entreprise principale ou qui sont utilisés dans le cadre de la sous-traitance par une entreprise intervenante sont soumis à des dispositions particulières qui sont étudiées plus loin.

Toutefois, le texte ne s'applique pas aux chantiers du bâtiment qui, bien que situés à l'intérieur du périmètre d'un établissement, sont clos et indépendants et, de ce fait, ne comportent pas de risques liés à l'interférence entre les activités , installations, matériels des différentes entreprises concernées. Si le montant des travaux est supérieur à douze millions de francs, ces chantiers restent soumis au décret du 19 août 1977 (plans d'hygiène et de sécurité, comités particuliers d'hygiène et de securité, etc...

Il ne s'applique pas non plus aux travaux relatifs à la construction et à la réparation navale (qui relèvent donc toujours du décret du 19 août 1977).

Une responsabilité particulière pour l'entreprise utilisatrice

Le décret de 1992 innove par rapport à celui de 1977 dans la mesure où il fixe au chef de l'entreprise utilisatrice un rôle essentiel dans la coordination générale des mesures de prévention qu'il est amené à prendre et de celles que prennent l'ensemble des entreprises intervenant dans son établissement, avant et pendant l'exécution des travaux.

A ce titre, il doit, par exemple, alerter le chef de l'entreprise sous-traitante qui exposerait un de ses salariés à un danger grave, même s'il estime que la cause du danger est exclusivement le fait de cette entreprise, afin que les mesures de prévention nécessaires soient prises.

A l'inverse, en cas de manquement à cette mission de coordination, le chef de l'entreprise utilisatrice pourra éventuellement être tenu responsable, par les salariés des entreprises sous-traitantes des accidents de travail sur-venus de ce fait. En ce cas, sa responsabilité pénale sera mise en cause sur le fondement des articles 319 du code pénal et L 263-2 et 6 du code du travail.

Les obligations des sous-traitants

Cela dit, chaque chef d'entreprise reste responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel et de celles qui sont en vigueur dans l'entreprise utilisatrice. En conséquence, un accident survenu à un ou plusieurs salariés d'une entreprise intervenante ne peut, en principe, mettre en cause la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, sauf dans le cas évoqué ci-dessus. L'on peut d'ailleurs à bon droit estimer qu'il s'agit d'un recul par rapport au décret de 1977 qui ne pratiquait pas cette distinction.

Les chefs des entreprises intervenantes doivent faire connaître par écrit à l'entreprise utilisatrice, la date de leur arrivée, la durée prévisible de leur intervention, le nombre prévisible de salariés affectés, le nom et la qualification de la personne chargée de diriger l'intervention, ainsi que les références de leurs propres sous-traitants (ail R 237-4). Ces informations sont tenues à la disposition des services officiels, des médecins du travail concernés et du CHSCT.

Mesures de prévention avant les travaux....

Avant le début de l'intervention, les différents employeurs doivent s'efforcer de repérer l'existence et la nature des risques liés à l'interférence des travaux, en procédant à un échange d'informations et à une analyse des risques prévisibles, étayés par une inspection préalable des lieux de travail et des matériels mis à leur disposition. L'entreprise utilisatrice va délimiter le secteur d'intervention, indiquer les voies de circulation que va emprunter le personnel externe. Elle va aussi matérialiser les zones présentant des dangers et transmettre ses consignes de sécurité aux différentes entreprises extérieures (art. R 237-6).

De leur côté, les responsables des entreprises intervenantes doivent informer leurs salariés, sur les lieux d'exécution du travail des dangers spécifiques auxquels ils vont être exposés ; cette information est particulièrement importante lorsque l'opération est exécutée de nuit ou dans un heu isolé ou à un moment où l'activité de l'entreprise utilisatrice est interrompue. Le temps consacré à cette information est considéré comme temps de travail effectif (art R 237-11).

Responsabilité du donneur d'ordre
(si le sous-traitant n'est pas un chef d'entreprise ou un artisan)

Toutes les obligations visant les entreprises utilisatrices décrites ci-contre ne s'appliquent qu'aux fournisseurs de maind'oeuvre propriétaires d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal, Dans le cas contraire, l'article 200-3 du code du travail prévoit que l'entrepreneur principal est tenu d'observer et de faire respecter toutes les règles légales relatives aux repos, congés, ainsi qu'à l'hygiène et à la sécurité, à l'occasion de l'emploi, dans ses ateliers, magasins ou chantiers, de salariés du sous-traitant, comme s'il s'agissait de ses propres ouvriers ou employés et sous les mêmes sanctions.

Après l'échange d'informations, deux possibilités sont ouvertes aux employeurs:

  1. Ils estiment, sous leur responsabilité, qu'il n'y a aucun risque d'interférence dans leurs activités. Dans ce cas, ils ne seront pas soumis aux obligations décrites ci-après.
  2. L'analyse préalable a permis d'identifier des risques liés à l'interférence des activités. Dans ce cas, les employeurs vont définir les mesures de prévention nécessaires (qui seront proportionnées à la nature et au degré du risque) et ils vont consigner ces mesures dans un plan de prévention définissant pour chaque entreprise:

Même s'il n'y a pas risque d'interférence entre les entreprises intervenantes, l'établissement par écrit d'un plan de prévention est néanmoins obligatoire dès lors que l'opération à effectuer représente un nombre total d'heures de travail prévisible égal au moins à quatre cents heures sur une période égale au plus à douze mois, que les travaux soient continus ou discontinus. Il en est de même, lorsque les travaux à effectuer, quelle que soit la durée prévisible de l'opération, figurent sur une liste de travaux dangereux fixée par arrêté du ministre du travail (art R 237-8).

Dans les deux cas, le chef de l'entreprise utilisatrice doit aviser par écrit l'inspecteur du travail de l'ouverture des travaux. Le plan de prévention est tenu à sa disposition et à celle des autres organismes officiels, des médecins du travail de l'entreprise utilisatrice et des entreprises extérieures,

Ce plan précise également les modalités d'accès des salariés de ces dernières aux installations sariitaires et locaux de restauration de l'entreprise utilisatrice.

... et pendant les travaux

Pendant les travaux, les employeurs sont tenus de veiller à l'exécution des mesures décidées dans le plan de prévention. Ils peuvent dans ce but, se réunir périodiquement et décider d'organiser des visites et inspections des lieux de travail, selon un rythme qui est déterminé par le chef de l'entreprise utilisatrice mais qui ne peut pas être inférieur à une réunion par trimestre, lorsque l'ensemble des opérations correspond à l'emploi de salariés pour une durée totale annuelle supérieure à 90.000 heures. En l'absence de réunions ou d'inspections, les chefs d'entreprises extérieures peuvent intervenir auprès du chef de l'entreprise utilisatrice pour obtenir la tenue de celles-ci.

Le rôle des représentants du personnel au CHSCT

Le CHSCT de l'entreprise utilisatrice procède, dans le cadre de ses missions, aux inspections et enquêtes définies à l'article L 236-2, sur les lieux de travail temporairement occupés par des salariés d'entreprises extérieures, lorsqu'il peut y avoir des risques liés à l'interférence entre les activités des différentes entreprises (art R 237-27).

Par ailleurs, les CHSCT des entreprises utilisatrice et intervenantes sont informés de la date de l'inspection préalable, prévue à l'article R 237-6 et des inspections et réunions de coordination prévues à l'article R 237-12, au plus tard trois jours avant qu'elles aient lieu, sauf urgence. Le plan de prévention est tenu à leur disposition. S'ils l'estiment nécessaire, ils peuvent participer à l'inspection préalable et formuler un avis sur les mesures de prévention retenues. Cet avis est porté sur le plan de prévention. Les noms et lieux de travail des membres du CHSCT de l'entreprise principale, ainsi que le nom du médecin du travail et l'endroit où est située l'infirmerie doivent être affichés aux lieux d'entrée et de sortie du personnel de cette entreprise.

Le cas des intérimaires

L'emploi d'intérimaires par une entreprise utilisatrice, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une entreprise intervenante, pose un problème particulier.

Dans le premier cas (intérimaires utilisés directement par l'entreprise), le code du travail (art L 124-46) prévoit expressément que l'entreprise utilisatrice est responsable de leur sécurité. Lés par un contrat de mission, ces intérimaires sont donc soumis aux mesures de sécurité prises par l'entreprise utilisatrice mais dépendent toujours, en ce qui concerne les relations de travail des règles en -vigueur dans l'entreprise d'intérim.. Rappelons que le CHSCT de l'entreprise utilisatrice est tout à fait compétent pour les personnels intérimaires. Il doit, bien entendu, veiller particulièrement à leur information sur les risques existants et à leur suivi médical, notamment pour les travaux dangereux.

Lorsqu'il s'agit, deuxième cas, d'intérimaires utilisés par l'intermédiaire d'une entreprise intervenante, ce sont les dispositions relatives aux entreprises extérieures qui s'appliquent et qui varient, comme on vient de le voir, selon qu'il y a interférence ou non entre les travaux effectués dans l'enceinte de l'entreprise utilisatrice. Mais là encore, le CHSCT doit être en mesure d'exercer ses missions, selon des modalités différentes certes, mais sans admettre de discrimination entre les différents groupes de travailleurs, quelle que soit leur situation sur le plan du contrat de travail.

Lecture conseillée: Intervention d'entreprises extérieures. Aide mémoire pour la prévention des risques - une brochure de l'I.N.R.S. (Edition ED 757).

Le Bâtiment - T.P. à l'heure de la coordination

Même si elles se sont améliorées à partir des années soixante-dix, les conditions de travail dans le bâtiment-T.P. restent difficiles pour les salariés de ce secteur. A tel point que les entreprises ont dû faire face à une véritable crise de recrutement des jeunes dont elles se remettent avec peine. Les raisons de cette situation sont bien connues:

Un coup d'arrêt

Toutes ces raisons se conjuguent pour faire du secteur Batiment-T.P. le champion toutes catégories du risque professionnel. En 1992, 300 accidents mortels, 16.000 accidents graves et 166.000 accidents avec arrêt ont été enregistrés, soit plus de 20 % du total des accidents avec arrêt tous secteurs confondus, alors que le bâtiment-T.P n'utilise que 9 % de l'ensemble de la population salariée. Et malgré le marasme du marché de la construction, le nombre des accidents mortels dus aux chutes avec dénivellation est passé en 1990 de 100 à 148 ! Le gouvernement se devait de donner un coup d'arrêt à une telle progression. C'est ainsi qu'a été introduite dans la loi du 31 décembre 1991 une disposition nouvelle (codifiée à l'article L.231-12) qui donne le pouvoir à l'inspecteur du travail, constatant sur un chantier une situation de danger grave et imminent, résultant soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur, soit de l'absence de dispositifs de nature à éviter les risques d'ensevelissement, d'arrêter temporairement la partie des travaux en cause. Le détail de la procédure utilisée est exposé dans un décret et un arrêté d'application datés du 29 juin 1992 (J.O. du 1er juillet 1992).

Devant le tollé patronal suscité par l'annonce de cette mesure, le ministre du travail a dû faire valoir qu'il ne s'agissait pas d'arrêter la totalité du chantier mais seulement les travaux incriminés. En outre, cet arrêt temporaire reste circonscrit à des risques très graves et sans aucune équivoque possible. "Il est difficilement contestable, répondait-il à l'une des nombreuses questions écrites de parlementaires, que dans de telles circonstances, l'urgence doit prévaloir sur toute autre considération, dès lors qu'il s'agit d'éviter la survenance d'un accident grave ou mortel''.

Toujours est-il que malgré le coût engendré par une telle mesure et l'atteinte au pouvoir de direction qu'elle représente, les patrons ont courbé l'échine, En 1993, 5.760 salariés ont été retirés d'une situation de danger grave et imminent et 1.082 chantiers ont fait l'objet d'une procédure d'arrêt (la durée de ces arrêts varie de 3 à 4 jours ; les mesures nécessaires pour remédier aux défauts constatés sont souvent très simples et ne nécessitent pas d'investissement important.) alors que près de 1.000 autres ont été remis en conformité sur simple menace de l'Inspection du travail. Et le ministre considère que ''la mesure correspond bien à la situation des risques, puisque 1 % seulement des décisions prises ont été contestées.''

CHSCT dans le bâtiment-T.P

Autre disposition importante contenue dans la loi du 31 décembre 1991, la création de CHSCT dans les établissements d'entreprises du bâtiment-T.P. occupant habituellement plus de 50 salariés. Selon le ministère du travail, plus de 600 CHSCT ont été créés en 1993 dans les établissements nouvellement assujettis. En outre, dans les entreprises employant au moins 50 salariés dans lesquelles aucun établissement n'est tenu de mettre en place un comité, le directeur régional du travail peut, lorsqu'il est saisi par le comité d'entreprise ou, en l'absence de celui-ci, par les délégués du personnel, imposer la création du comité ''lorsque cette mesure est nécessaire en raison du danger particulier de l'activité ou de l'importance des risques constatés''. Toutefois, la mise en place d'un CHSCT ne dispense pas pour autant les entreprises visées d'adhérer à l'Organisme professionnel de prévention dans le bâtiment et les travaux publics (O.P.P.B.T.P.).

Renforcer la coordination

En 1993, nouveau train de mesures, visant cette fois l'organisation des chantiers. La loi no 93-1418 du 31 décembre 1993, qui assure la transposition dans notre droit interne de la directive "chantiers temporaires ou mobiles'' adoptée le 24 juin 1992, a en effet pour objet d'impliquer davantage que par le passé les différents inter-venants d'une opération de construction, notamment en renforçant leur coordination en matière de sécurité le plus en amont possible, dès le début des études.

La loi aménage l'ancienne législation sur plusieurs points essentiels:

Plusieurs décrets et arrêtés seront nécessaires pour l'application de la loi. Un seul d'entre eux était paru avant la mise sous presse de cette brochure. Il s'agit du décret du 26 décembre 1994 (J.O du 29/12/1994) qui vise en particulier la désignation et la mission du coordonnateur (compétence requise, formation, rémunération, obligations du maître d'ouvrage à son égard, énoncé des tâches qui lui incombent), ainsi que l'élaboration du plan général de coordination et du plan particulier de sécurité.

Les Organismes Exterieurs de Prevention

Le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels: l'Agence tous risques

Institué par un décret du 11 août 1977 (ail. R 231-14 et suivants du code du travail), ce conseil est un organisme consultatif central dont la mission principale est de participer à l'élaboration de la politique nationale de prévention et de coordonner toutes les actions conduites dans ce domaine. A cette fin, il est consulté sur tous les projet de lois et de règlements relatifs à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi que sur le rapport annuel que le Gouvernement doit présenter au Parlement sur les orientations à donner, notamment à l'action des CHSCT et des organismes professionnels de prévention.

Le Conseil suscite et favorise toutes les initiatives propres à améliorer la prévention, comme, par exemple, les campagnes publiques de sensibilisation. Chaque année, le ministre du travail lui communique:

Présidé par le miriistre du travail, le Conseil est de composition tripartite: quatorze membres représentent les départements ministériels intéressés et les organismes nationaux, dix les organisations syndicales de salariés les plus représentatives, dix les organisations professionnelles d'employeurs (C.N.P.F., C.G.P.M.E., U.P.A.) auxquels s'ajoutent quinze personnalités désignées pour leur compétence, dont cinq spécialistes de médecine du travail.

Au sein du Conseil est constituée une commission permanente de 20 membres qui prépare ses travaux. Des commissions spécialisées effectuent les études de fond et sont chargées de définii les mesures techniques nécessaires. Il existe six commissions: Information, formation et organisation de la prévention ; risques chimiques, biologiques et ambiances physiques ; risques physiques mécaniques et électriques maladies professionnelles ; médecine du travail ; prévention des risques spécifiques aux secteurs du bâtiment et des travaux publics.

Chacune des commissions peut constituer des groupes de travail spécialisés.

Même si elle est parfois freinée par des dissensions de nature aussi bien idéologique que juridique ou technique, l'activité du Conseil supérieur ne se dément pas au fil des années. Il s'est en particulier fortement impliqué dans la mise au point des textes découlant de la loi de 1976, qui concernent le fonctionnement et les attributions du CHSCT, la formation à la sécurité, les services médicaux du travail, les préparations et substances dangereuses.

L'Inspection du travail, cette mal-aimée

Les salariés français semblent apparemment satisfaits de l'Inspection du travail, 32 % d'entre eux la placent en tête des organismes de contrôle pour les questions d'hygiène et de sécurité du travail, 35 % pour les questions d'amélioration des conditions de travail. Avec 15 % de satisfaits, la médecine du travail vient loin derrière, mais devant les délégués du personnel (6 % seulement).

Et pourtant, cette institution, plus que centenaire, semble traverser une crise d'identité ; les quelques chiffres tirés du Bilan des conditions de travail 1993 sont préoccupants: le nombre d'interventions en entreprise est passé de plus de 314.000 en 1990 à moins de 285.000 en 1992 ; le nombre des infractions constatées est passé de 510.963 à 441.589 ; quant au nombre de procès-verbaux, la baisse est encore plus nette: 12.278 en 1990, 7.094 en 1993.

Raisons invoquées de cette moindre présence sur le terrain:

Des pans entiers de la réglementation ont été remodelés et assouplis, au point de devenir inapplicables et ne permettent plus d'action répressive (exemple: la durée du travail). Les interventions des inspecteurs et contrôleurs du travail se multiplient dans des domaines de plus en plus variés: l'emploi et les relations de travail, le chômage, le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, l'examen des clauses de règlements intérieurs, la protection des travailleurs précaires, des jeunes, des handicapés, la normalisation européenne, la formation des salariés, etc... Par ailleurs, la législation du travail devient de plus en plus complexe et procédurière, alors que la demande d'information émanant tant des salariés que des employeurs auprès des directions départementales de l'emploi connaît un véritable boom.

N'oublions pas enfin que depuis une dizaine d'années le pouvoir politique et l'administration du travail et de l'emploi ont incité les agents de l'Inspection du travail à privilégier le conseil aux entreprises, au détriment de l'action de contrôle et de son corollaire, la répression, d'où une cel taine démobilisation de ses agents.

Il est vrai qu'il est difficile de ne pas être impressionné par la quantité et la diversité des tâches qui sont confiées à l'Inspection du travail; impressionné et inquiet à la fois, dans la mesure où les inspecteurs et contrôleurs du travail, obligés de choisir, peuvent être tentés de faire passer au second plan de leurs préoccupations les questions d'hygiène et de sécurité.

Les missions

Pour mener à bien ses différentes missions, l'inspecteur du travail dispose d'une assez large autonomie d'action et de pouvoirs étendus: pouvoir de contrôle d'une part, de décision d'autre part, qu'il peut exercer simultanémen.

Dans les entreprises du bâtiment T.P. (et non les établissements) de 50 à 299 salariés, il peut demander au directeur régional du travail de constituer un CHSCT lorsque cette mesure lui paraît nécessaire, en  raison du danger parliculier de l'activité et après avoir été saisi par un membre du comité d'entreprise ou un délégué du personnel.

Le corps des inspecteurs du travail

Créée en 1892 par le Ministère du Travail pour contrôler l'application des premiers règlements relatifs à l'hygiène et à la sécurité du travail, l'hispection du travail a vu son rôle et ses attributions s'élargir et se diversifier au fil des années. Réorganise en 1982, le service de l'Inspection du travail comprend maintenant:

  • des directions régionales chargés de superviser l'activité des directions départementales et d'assurer l'application des directives ministérielles,
  • des directions départementales qui coordonnent les sections d'inspection,
  • des inspecteurs du travail, à raison d'un inspecteur, secondé par un ou deux contrôleurs du trave par section délimitée territorialement.

Les agents de l'Inspection sont des fonctionnaires de l'Etat et, à ce titre, ils doivent s'efforcer de rester neutres et impartiaux dans leurs décisions. Es bénéficient d'un droit à l'indépendance à l'égard du pouvoir politique. garanti par la convention internationale du travail no 81 ainsi que d'un droit à la protection contre les menaces, injures, violences dont ils peuvent être l'objet.

Ils ont aussi des obligations:

  • obligation de discrétion dans leurs relations avec les différents interlocuteurs: syndicats, employeurs, juges, policiers, médias.
  • obligations de secret professionnel (Us sont assermentés) sur les informations et procédés qu'ils ont à connaître,

Enfm, ils doivent obligatoirement motiver les décisions administratives individuelles défavorables qu'ils sont amenés à prendre.

Les moyens

Il peut assister, s'il le désire, aux réunions ordinaires et extraordinaires du CHSCT auxquelles il doit être convoqué.

Le tribunal peut décider la mise hors service d'un matériel, l'immobilisation d'un dispositif ou d'une machine, la saisie des matériels ou produits. Il peut même ordonner la fermeture totale ou partielle de l'établissement.

Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, lorsqu'il constate sur un chantier que des salariés sont exposés à une situation de risque grave ou imminent résultant soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur, soit de l'absence de dispositifs de nature à éviter les risques d'ensevelissement, l'inspecteur du travail peut prendre toutes les mesures utiles pour soustraire immédiatement le salarié de cette situation, notamment en prescrivant l'arrêt temporaire de la partie des travaux en cause (art. L 231-12 du code du travail).

La reprise des travaux ne pourra s'effectuer qu'après cessation de la situation de risque.

Les sanctions

Les infractions aux articles L,231 et suivants du code du travail sont des délits jugés en correctionnelle par des magistrats professionnels. Le responsable pénal est, en tout état de cause, une personne physique, en principe l'employeur, à moins que celui-ci ait désigné un préposé nanti de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires, par délégation expresse (écrite, précise et limitée).

L'amende infligée est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise exposés au risque dénoncé dans le procès-verbal. Le tribunal peut, en outre, ordonner l'affichage du jugement aux portes du magasin, usine ou atelier du délinquant et sa publication dans les journaux qu'il désigne, aux frais de ce dernier.

S'il n'applique pas aux responsables les sanctions prévues, le tribunal peut néanmoins faire obligation à l'entreprise de prendre toutes mesures nécessaires pour rétablir des conditions normales d'hygiène et de sécurité et il va exiger un plan de réalisation de ces mesures.

Enfin, en cas de récidive, le tribunal peut prononcer contre l'auteur des infractions, une interdiction d'exercer pendant une durée maximale de cinq ans, a moins qu'il ne le condamne à des peines accessoires sans rapport avec l'infraction, comme le retrait du permis de conduir. On notera que le procès-verbal établi par l'inspecteur ou le contrôleur du travail constitue un acte de procédure à l'attention du tribunaL Le rédacteur du P.V. doit le "défendre'' à l'audience, l'auteur du délit y étant présent ou représenté, Le parquet peut classer sans suite (ne pas transmettre au tribunal) et les "magistrats du siège'' (qui jugent l'infraction) peuvent appliquer des actions inférieures à celles prévues ou même relaxer l'auteur de Pirifraction. Conclusion: il est parfois préférable de saisir directement le procureur qui fera effectuer une enquête ou bien se constituer partie civile quand l'inspecteur a établi un procès-verbal.

Un métier difficile

On le voit donc, l'inspecteur du travail dispose de moyens de coercition assez larges (même s'il les utilise parfois avec timidité) pour imposer le respect sur le terrain des règles d'hygiène et de sécurité. Et pourtant, des critiques sont souvent formulées sur son action, émanant tant des employeurs (ce qui est normal) que des représentants des salariés. Qu'en est-il exactement ?

A cela, les inspecteurs du travail répondent qu'avant d'utiliser la procédure de mise en demeure suivie d'un procès-verbal, ils émettent des "observations'' qui ont pour but d'inciter le contrevenant à régulariser sa situation ; autrement dit, ils jouent alors un rôle de prévention et non de répression ; ''l'arrangement" à l'amiable prend le pas sur la poursuite judiciaire. Certains juristes considèrent même que la mise en demeure précédant le procès-verbal revêt le même caractère. L'inspection du travail suit donc l'évolution actuelle qui privilégie le conseil au détriment de la sanction. Ce faisant, l'inspecteur empiète sur le terrain du procureur de la République qui est, en di oit, seul juge de l'opporturiité des poursuites; côté employeur, il encourt le risque de recours pour excès de pouvoir, puisque ''l'observation" n'a aucune réalité juridique.

Le Fonds pour l'amélioration des conditions de travail

Le ministère du travail dispose d'un système d'aides aux entreprises qui acceptent de conduire des opérations d'investissement ou des études ayant pour objet l'amélioration des conditions de travail. Les subventions sont attribuées:

  • pour les études préalables, les équipements et leurs mises au point
  • pour la réalisation des prototypes et la diffusion d'une présérie à prix réduits afin de favoriser leur utilisation par les entreprises.
  • pour des études prévisionnelles ayant pour objet l'analyse des implications sociales de la modernisation dans l'entreprise, en ce qui concerne notamment la sécurité, la conception des postes et de leur environnement le contenu et Porganisation du travail, le temps de travail, les qualifications, l'évolution des classifications et des formations.

Caractéristique commune exigée de toutes ces opérations: elles doivent présenter un caractère expérimental ou exemplaire dépassant les obligations légales et réglementaires. Une priorité est accordée aux projets qui, par leur caractère global, agissent simultanément sur plusieurs éléments d'une situation de travail et à ceux dont l'élaboration et la mise en oeuvre associent largement les salariés intéressés. L'avis des mstances représentatives du personnel (comité d'entreprise, CHSCT ou, à défaut, délégués du personnel) est d'ailleurs requis et Us doivent être régulièrement informés du déroulement et des résultats de l'étude.

Le montant de la subvention est calculé sur la base d'un devis estimatif du coùt total ou de la partie du coût de l'étude qui est consacré à l'amélioration des conditions de travail. Il varie selon l'intérêt du sujet, dans les limites de 30 % pour les opérations d'équipement et de mises au point et de 50 % pour les études.

La subvention est attribuée après signature d'une convention entre l'Etat et le bénéficiaire, qui précise les modalités de contrôle et d'exploitation des résultats de l'opération par l'administration.

L'arrêté du 10 janvier 1989 ajoute à la liste de ces bénéficiaires les organisations professionnelles de branche ou les organismes émanant d'elles pour des études ayant pour objet l'analyse des implications sociales de la modernisation des entreprises, l'organisation et le contenu du travail, le temps de trave les conditions de travail, les quaffications, J'évolution des classifications et des formations, la gestion prévisionnelle des effectifs. Seuls toutefois peuvent être subventionnés les projets d'étude qui ont fait l'objet d'une concertation entre les organisations professionnelles et les orgariisations syndicales représentatives des salariés de la branche considérée et qui sont de nature à déboucher sur une négociation au niveau de la branche, en fonction des résultats de ces études,

Une procédure trop peu sélective

Malgré cette dernière réserve, il est vite apparu au législateur que les critères d'attribution des subventions étaient beaucoup trop vagues et conduisaient à une trop grande dispersion des aides accordées. Un "encadrement" de la procédure a donc été décidé en 1994 qui a débouché sur la définition des thèmes prieritaires auxquels seront réservées les subventions: les projets devront poiler sur les conditions de travail dans les activités de manutention, de maintenance et de nettoyage, la prévention des risques liés à l'organisation du travail, la mise en oeuvre d'organisations qualifiantes. le traitement des risques d'exclusion liés aux conditions de travail, la conception ergonomique des équipements et enfin, l'organisation et les conditions de travail des personnels de vente et d'accueil du secteur tertiaire.

L'A.N.A.C.T.: de la théorie à la pratique

L'Agence pour l'amélioration des conditions de travail est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé du travail. LANA.C.T. est administrée par un conseil composé de représentants des Pouvoirs publics, des organisations représentatives de travailleurs et d'employeurs ainsi que de personnes. qualifiées (Siège social: 7 Bd Romain-Rolland - 92128 NIONTROUGE CEDEX - Tél: 42,31.40.40 - Fax: 46,57,10.02).

Elle a pour mission:

Elle doit en conséquence entreprendre ou favoriser toute action tendant à améliorer les conditions de travail, notamment dans les domaines suivants:

A cette fin, elle est chargée, en particulier:

Un contrat de progrès

Le ministère du travail a signé en 1994 avec l'A.N.A.C.T. un contrat de progrès qui définit des priorités à cinq ans, Sont notamment prévues à ce titre:

Enfin, l'A.N.A.C.T. poursuit le développement de sa démarche de diagnostics courts (Plus de 400 diagnostics ont été réalisés en 1993). Cette intervention en entreprise, d'une durée de trois à cinq jours, est centrée sur l'analyse des situations de travail et son objectif est d'aider à la définition d'un projet de changement ou d'investissement en instruisant la demande, mais aussi en permettant aux différents acteurs d'exprimer leur point de vue.

Rester vigilant

Depuis la création de cet établissement public né de la loi du 27 décembre 1973, les représentants de la Confédération Force Ouvrière ont eu pour préoccupation constante d'éviter que les activités de lAgence ne s'évadent du cadre des missions qui lui sont dévolues par la loi.

Des progrès sont intervenus dès lors que les études envisagées ont été réalisées à partir de relations et de consultations plus effectives et suivies avec les orgarÉsmes paritaires et les organisations professionnelles et syndicales des secteurs intéressés, pour être ensuite mises en ceuvre dans les entreprises. C'est le cas, notamment, des interventions effectuées au titre du Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (FACr dont l'A.N.A. C.T. assure l'instruction technique des dossiers.

En cette matière, il importe que les programmes d'interventions portant sur les conditions de travail et le contenu des tâches, sur l'automatisation des ateliers ou la conception assistée par ordinateur (CAO) dans les services d'études, ne privilégient pas les aspects liés au rendement et à la productivité au détriment de ceux concernant l'aménagement du milieu et des postes de travail.

Il paraît nécessaire également de veiller à ce que les activités de I'A.N.A.C.T. n'interfèrent pas sur ce qui doit rester du domaine spécifique de la négociation collective, notamment lorsque l'on touche à l'aménagement du temps de travail et aux classifications.

La coopération technique et les échanges de documentation se sont développés avec l'Institut national de recherche et de sécurité (I.N.R.S.) sur la base de la répartition des tâches entre les deux centres, pour la production d'outils pédagogiques de formation à l'hygiène et la sécurité,

Au-delà de la mise à disposition des moyens de fonctionnement nécessaires au développement des tâches de l'A.N.A.C.T., il paraît donc plus que jamais justifié de veiller à ce que l'essentiel de ces moyens soit consacré à des réalisations concrètes et appréciables par les premiers concernés, les salariés.

 

ORGANISMES DE PRÉVENTION
une mutation difficile

La loi du 30 octobre 1946 qui organise la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles donne aux organismes de sécurité sociale les moyensjuridiques et financiers nécessaires pour remplir cette mission Ce sont les caisses d'assurance maladie - caisse nationale et caisses réglonales (Par commodité nous avons rangé sous le vocable CRAM les seize caisses régionales métropolitaines et les quatre caisses générales de sécurité sociale d'Outre-mer.) qui sont chargées de mettre en oeuvre la politique de prévention définie par les pouvoirs publics, avec le concours des comités techniques et de ]Institut national de recherche et de sécurité (auquel nous consacrons plus loin un chapitre particufiei). Tous ces orgarusmes: CNAIWTS, ensemble des CR.A,M, INRS et Eurogip - forment ce qu'il est convenu d'appeler l'institution de prévention, fer de lance de la Sécurité sociale contre le risque professionnel.

Pour améliorer son efficacité, cette institution s'est lancée ces dernières années dans une réforme radicale de ses méthodes et de ses moyens d'action qui, à terme, devrait se montrer payante.

La C.N.A.M.T.S.: contrôle et coordination

La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés est un établissement public dirigé par un conseil d'administration au sein duquel siègent des membres désignés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés. A ce titre, elle émet des avis sur les projets de loi et de règlements élaborés par la puissance publique. Elle assure également un pouvoir de contrôle et de coordination des caisses régionales. Enfin elle gère un Fonds national de prévention des accidents du travail alimenté par un prélèvement de 3,6 % maximum sur les cotisations A.T, versées par les employeurs.

Ce Fonds permet le financement de la dotation de fonctionnement des CRAM et de l'I.N.R,S; il subventionne les moyens de publicité et de propagande appropriés destinés à faire connaître, tant dans les entreprises que parmi la population, les méthodes de prévention les plus efficaces. Il permet aussi d'attribuer à certaines entreprises des avances à taux réduit, ou des avances transformables en subvention en vue de promouvoir la réalisation d'aménagements destinés à assurer une meilleure protection des travailleurs.

Dans le domaine de l'éducation, il favorise l'enseignement de la prévention, en liaison avec les mirïistères intéressés et l'I.N.R.S., de façon que cet enseignement soit intégré dans tous les programmes de formation professionnelle et d'apprentissage.

La Caisse nationale exerce d'autres attributions parmi lesquelles la centralisation des statistiques d'accidents du travail et des maladies professionnelles ; elle en di esse des bilans trimestriels et annuels qu'elle communique aux ministères chargés du travail et de la sécurité sociale. Elle prend connaissance des études auxquelles se sont livrées les caisses régionales sur tous les problèmes de prévention et en dégage les enseignements. Enfin, la caisse nationale met à la disposition des comités techniques nationaux des ingénieurs- conseils qui les aideront dans la conduite des études sur les risques d'une profession et les moyens de les prévenir.

Les comités techniques nationaux
Les failles du paritarisme

Les comités techniques nationaux ont été créés dans le but d'associer plus étroitement les employeurs et les salariés à la gestion du risque professionnel. Ce sont des organismes paritaires composés de 18 membres titulaires (9 représentants des employeurs et 9 représentants des salariés) et d'autant de suppléants. Il existe 15 comités techniques nationaux constitués par branche d'activité professionnelle et un comité technique des départements d'Outre-mer.

Ces comités sont chargés d'assister le conseil d'administration de la Caisse nationale de PAssurance maladie dans l'étude technique de toutes les questions relatives à la prévention, aux statistiques, à l'assurance et à la tarification des risques. A cet effet, ils effectuent des études sur les risques de la branche professionnelle qu'ils représentent. Ces études servent de support à l'élaboration de textes qui définissent des règles de prévention de portée générale (par exemple, l'organisation de la lutte contre le bruit dans les entreprises) ou, à l'inverse, centrées sur un sujet précis (le port des équipements de protection individuelle dans le Bâtiment par exemple).

L'idée qui a présidé à. l'instauration d'un tel système est tout à fait intéressante. Au lieu d'attendre que le législateur légifère, que des fonctionnaires d'un ministère définissent des règles qui, dans la plupart des cas, ne font que confirmer des évolutions de la technologie ou de nouveaux comportements sociaux, des professionnels qualifiés se réunissent pour mettre au point des textes consensuels, fondés sur des connaissances techniques approfondies et sur leur expérience d'hommes de terrain. Les discussions sont souvent longues et ardues avant que naisse le compromis. Même si celui-ci n'est parfois que le plus petit commun dénominateur'', ne vaut-il pas mieux que certains règlements administratifs d'inspiration trop technocratique !

Ces textes, qu'il s'agisse de ''dispositions générales" ou de "reco=andations'' reflètent l'état de la technique à un moment donné et en tant que tels, constituent de véritables règles de l'art pour les branches professionnelles concernées.

Les recommandations sont, comme leur nom l'indique, de simples préconisations qui énoncent ce qu'il est humainement et techniquement possible de faire dans un domaine donné. L'employeur reste libre de les appliquer ou de les ignorer. C'est alors à l'agent de la C.R.A.M. - et bien entendu aux membres du C.H.S.C.T. - d'essayer de le persuader qu'il est dans son intérêt bien compris de mettre ce texte en application dans son entreprise. Signalons par ailleurs que certains juges n'hésitent pas à s'appuyer sur le contenu d'une recommandation pour motiver leur sentence à l'encontre de patrons récalcitrants.

Les dispositions générales sont des textes plus contraignants pour les employeurs dans la mesure où elles revêtent un caractère réglementaire dans le cadre du code de la sécurité sociale, Il faut pour cela qu'elles soient approuvées par le conseil d'administration de la CNAM. qui peut déclencher à leur égard une procédure d'extension.

Elles deviennent alors d'application obligatoire pour toutes les entreprises entrant dans le champ de compétence du C.T.N. qui les a adoptées et sont publiées au journal Officiel sous forme d'arrêtés ministériels.

Une quarantaine de dispositions générales sont ainsi devenues des textes réglementaires. Il est à craindre, malheureusement, que ce chiffre n'évolue guère à l'avenir, pour deux raisons principales:

En matière de tarification, les C.T.N. se prononcent sur les taux bruts de cotisations établis par risques ou groupe de risques, en fonction des résultats statistiques des trois dernières années connues. Ceux-ci, donneront heu à publication par arrêtés ministériels, des barèmes de cotisations ''accidents du travail" applicables dans les différentes professions.

Enfin, les C.T.N. centralisent et étudient les statistiques concernant leur branche d'activité respective et donnent aux Comités techniques régionaux les directives dont ceux-ci auront à s'inspirer, notamment en ce qui concerne la classification des risques et la fixation des cotisations au niveau régional.

Les Caisses régionales d'assurance maladie
Au coeur de l'action

L'ensemble des seize caisses régionales et des quatre caisses générales constitue, sans conteste, le noyau dur du système de prévention de la Sécurité sociale ; elles sont en effet au contact permanent des entreprises de leur région et leurs techniciens sont tout à fait informés des réalités industrielles.

Une caisse régionale est un organisme de droit privé, géré par un conseil d'administration composé notamment de représentants des employeurs et des salariés. Elle a pour rôle principal d'élaborer et de développer l'action de prévention en direction des entreprises et de concourir à l'application des règles de tarification qui les concement.

Le conseil d'administration défiriît la politique régionale de prévention. Il donne délégation à une commission de prévention composée d'administrateurs, pour promouvoir et coordonner cette politique. Il est assisté de comités techniques régionaux (en nombre variable selon les régions) auxquels il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs, notaminent en matière de tarification. Enfin, un service de prévention (Selon les C.R.A.M., le service de prévention s'appelle aussi service des risques professionnels. Dans certaines régions, il a rang de direction.   placé sous l'autorité directe du directeur de la Caisse est chargé de la mise en ceuvre de cette politique sur le terrain. A la tête de ce service, un ingénieur-conseil régional (ou ingénieur en chef) anime une équipe technique plus ou moins importante, composée d'ingénieurs-conseils et de contrôleurs de sécurité, de formateurs et de moniteurs spécialisés, voire de psychologues et de médecins. Dans certaines régions fortement industrialisées, le service de prévention peut créer des antennes départementales pour décentraliser son action.

Outre l'encadrement des contrôleurs de sécurité, Fingénieur-conseil est en général responsable d'une circonscription territoriale, d'une activité déterminée (contrôle, enseignement, études, communication, etc... ) ou d'un secteur industriel particulier (chimie, bâtiment, imprimerie, etc... ).

Il effectue souvent des études à la demande des Comités techniques régionaux Sa formation l'amène parfois à se spécialiser dans l'étude et le traitement de risques complexes, On lui confie également, les visites d'entreprises ou de chantiers importants ou d'établissements dans lesquels se posent des problèmes de sécurité difficiles à régler.

Le contrôleur de sécurité est l'agent du contrôle sur place. Il effectue des visites et des enquêtes dans les entreprises situées à l'intérieur d'un secteur déterminé, professionnel ou géographique. Le soin porté au recrutement et à la formation de ces contrôleurs, interlocuteurs directs des responsables d'entreprise, est tout à fait essentiel. Ils doivent justifier d'un bon niveau de connaissances (B.T.S. ou D.U,T.), d'une expérience du milieu industriel (trois ans au moins de pratique, si possible comme agent de maîtrise) auxquelles s'ajoutent une spécialisation en hygiène et sécurité et une bonne connaissance de la réglementation. Avant de commencer leurs interventions en entreprise, les futurs contrôleurs vont suivre un stage probatoire d'une durée de dix semaines, échelonnée sur une période de douze mois selon le principe de l'alternance (sessions de formation à l'I.N.R.S. stages pratiques dans diverses institutions et entreprises) à l'issue duquel ils vont présenter un mémoire devant un jury de spécialistes de la prévention. En cas de succès, ils obtiendront un agrément et seront titularises dans leur emploi.

Un nouvel infiéclussement a été donné récemment à la formation qu'ils reçoivent, Les Caisses régionales s'orientent de plus en plus, en complément des activités de contrôle, vers des actions de sensibilisation et de motivation des responsables d'entreprise pour les inciter à prendre en charge eux-mêmes leurs problèmes de prévention. Ce sens du "faire-faire" est donc développé dans les actions de formation, à côté des connaissances théoriques indispensables

Une panoplie de moyens

Pour mener à bien leur action de prévention, les agents des C.R.A.M. disposent d'une panoplie complète de moyens techniques, réglementaires et de formation-information.

Moyens techniques

Les services de prévention des CRA.M. effectuent toutes les enquêtes qu'ils jugent utiles, en ce qui concerne les conditions d'hygiène et de sécurité dans les entreprises de leur ressort. Chaque CRA.M, définit sa stratégie en fonction des priorités locales ou des circonstances. En règle générale, c'est l'importance des établissements et la nature des activités exercées qui sont déterminantes. Les établissements de plus de 500 salariés peuvent être visités plusieurs fois par an, alors que ceux des PME-PMI le sont plus rarement, sauf évidemment en cas d'accidents graves ou répétés exigeant des enquêtes immédiates ; une forme de discrimination qui est souvent dénoncée, mais à laquelle il est difficile de porter remède devant l'insuffisance des effectifs des services de prévention. Conscientes de cette situation, certaines CRAM organisent parfois des actions de concertation avec les organisations patronales de branches d'activité dans lesquelles prédominent les PME. C'industrie du bois ou du bâtiment par exemple), D'autres conduisent des actions concentrées ou prioritaires sur des secteurs à risques éleves.

Il est important de noter ici que l'enquête effectuée à la suite d'un accident, par un agent de la C.R.A.M., n'a pas pour but de rechercher des responsabilités, mais de mettre en lumière les causes réelles de l'accident afin d'en tirer un enseignement et de définir les mesures de prévention à prendre.

Au delà de son activité de contrôle, l'agent de la C.RAM., lorsqu'il sait capter la confiance de l'employeur et des représentants du personnel, s'installe peu à peu dans une situation de conseiller technique de l'entreprise pour toutes les questions d'hygiène, de sécurité et de prévention. Il peut, de sa propre initiative, ou à la demande de l'entreprise, étudier une situation ou un poste de travail, évaluer une nuisance physique ou chimique, préconiser l'utilisation d'un matériel, d'un produit ou d'un équipement dont les qualités ont été testées.

Cette mission de conseil exercée par les contrôleurs et ingénieurs de la CRAM. est souvent déterminante pour l'employeur, quand il doit faire le choix d'un moyen de production moins polluant, moins dangereux, moins stressant pour les salariés ou d'un système de sécurité plus efficace, tout en étant parfois moins coûteux.

Malheureusement, devant la mauvaise volonté systématique de certains employeurs, il arrive que ce rôle de conseil passe au second plan pour céder la place à la coercition.

En définitive, beaucoup de choses dépendent donc des qualités humaines de l'agent de la C.R.A.M., de son pouvoir de persuasion et des preuves qu'il sait donner de sa compétence technique.

Pour l'aider dans sa mission, cet agent dispose par ailleurs des services d'organismes spécialisés créés par la CNAMTS, tels que, les centres de mesures physiques et les laboratoires interégionaux de chimie.

Grâce à leurs équipements de pointe, les techniciens de ces organismes sont en mesure d'évaluer la nocivité de la plupart des nuisances (bruit, vibrations, rayonnements, ambiances thermiques) et de pratiquer des prélèvements d'atmosphères (aérosols, vapeurs... ). Les résultats de ces mesures permettent ensuite à l'agent de la C.R.A.M. de proposer des orientations, des solutions, des choix techniques fondés sur des critères scientifiques rigoureux.

Moyens réglementaires

Le code de la Sécurité Sociale donne aux agents des C.R.A.M. le cadi e réglementaire nécessaire à leur mission. Rappelons que les ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité disposent, comme les inspecteurs du travail, du droit de pénétrer dans tous les établissements assujettis au régime général de la sécurité sociale; ils doivent également être convoqués aux réunions du CHSCT.

L'action de la C.R.A.M. s'exerce tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau de la branche professionnelle.

1) Au niveau de l'entreprise.

A l'issue d'une visite d'un de ses agents, la C.R.A.M. peut inviter un employeur à prendre toutes mesures de prévention qu'elle estime justifiées (ail. L 422-4 du code la sécurité sociale) sans qu'il soit nécessaire pour cela de faire référence à un texte réglementaire. Il lui suffit de s'appuyer sur les constations effectuées par l'ingénieur-conseil ou le contrôleur de sécurité.

Cette faculté, qui on le voit, se fonde essentiellement sur l'expérience et la compétence de l'agent de la C.R.A.M., fait périodiquement l'objet de contestations de la part de juristes patronaux. Ceux-ci ont même cru un moment trouver la faille dans une disposition du droit communautaire. Un alinéa de l'article 100 A prévoit en effet qu'il n'est pas possible d'imposer aux matériels ou produits conformes aux directives des prescriptions supplémentaires qui constitueraient des entraves aux échanges. A cela, la Direction des relations du travail a répondu dans une lettre no 517 du 31 mai 1992 que ces restrictions ne concernent que la conception et la fabrication des matériels et produits et ''que tout ce qui relève de leur utilisation et en particulier l'organisation du processus de production en vue d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs... dépasse largement le contrôle de conformité aux exigences essentielles d'une dù-ective". Donc, le principe de la mesure justifiée de prévention reste valable,

En cas de carence de l'entreprise, ou pire encore, constatation de risques graves, la C.R.A.M. est habilitée à utiliser les moyens de coercition prévus par les textes. Une injonction par lettre recommandée est adressée à l'entreprise , elle indique les mesures de prévention à prendre, les délais et les voies de recours.

L'employeur mis en cause peut introduire un recours devant le directeur régional du travail qui statuera dans les quinze jours, mais il doit immédiatement aviser son CHSCT de la demande de la C.R.A.M. et consulter celui-ci sur les modalités d'exécution des mesures prescrites.

Si, l'injonction est maintenue, la C.R.A.M., peut, pendant deux à six mois, infliger à l'entreprise une majoration maximale de 25 % de son taux de cotisation (avec prise d'effet à la date de la constatation des manquements à la sécurité) ; la majoration pourra être poilée à 50 % après deux à six mois d'inexécution des mesures demandées et pourra atteindre 200 % à l'expiration du délai fixé.

A contrario, une entreprise ayant accompli un effort de prévention continu pourra demander à la C.R.A.M. de lui accorder une minoration de son taux de cotisation (voir plus loin ''moyens d'incitation").

La C.R.A.M. peut également demander à une entreprise d'observer les règles de prévention contenues dans un texte de dispositions générales. Toute infraction constatée à une disposition générale étendue est considérée comme risque exceptionnel et donne lieu à imposition immédiate d'une cotisation supplémentaire, sans envoi préalable d'une injonction (ail, L 242-7 du code de la Sécurité sociale) à moins que l'arrêté d'extension en dispose autrement. En cas de récidive dans un délai maximal de trois ans, c'est à dire après réapparition du même risque ayant déjà donné lieu à cotisation supplémentaire, le taux de cotisation de l'entreprise peut être de nouveau majoré sans injonction préalable.

2) Au niveau de la branche professionnelle

La CRAM peut adopter des dispositions générales de prévention applicables à l'ensemble des employeurs qui, dans sa circonscription, exercent une même activité ou utilisent les mêmes types de machines ou de procédés. Ces dispositions n'entrent toutefois en vigueur qu'après avoir été homologuées par la direction régionale du travail et approuvées par le Comité technique régional compétent. Ce système est malheureusement en voie de disparition du fait de l'hostilité des instances patronales; une position tout à fait regrettable, car il conduisait à l'élaboration de règlements techniques adoptés paritairement et donc empreints d'un certain esprit de compromis entre les intérêts des employeurs et ceux des salariés. Ce texte, approuvé par le Comité technique régional, servait de banc d'essai sur un territoire délimité ; à l'issue d'un certain délai, il était transmis au Comité technique national compétent pour examen et approbation, moyennant, si nécessaire, quelques modifications de détail, Ces dispositions générales étaient alors étendues à l'ensemble du territoire, par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale et devenaient applicables à toutes les entreprises du secteur professionnel concerné, voire même à l'ensemble des entreprises françaises, tous secteurs professionnels confondus, lorsqu'elles avaient été adoptées par le Comité central de coordination.

Les moyens d'incitation.

On retiendra de ce qui précède que les agents des CRAM ne sont pas habilités à sanctionner pénalement un employeur (action réservée à l'inspecteur du travail), Leur rôle est exclusivement préventif et les pénalités infligées sont toujours d'ordre financier. Autrement dit, une C.R.A.M. intervient en l'espèce comme un assureur qui ajuste le montant de sa prime en fonction de l'importance du risque constaté.

La rigueur de cette procédure, qui est propre à la Sécurité sociale, est souvent critiquée par les juristes patronaux; pourtant, la plupart des CRAM l'utilisent avec une extrême modération et recherchent systématiquement le dialogue et la concertation avant la sanction financière, Cette attitude n'est d'ailleurs pas nouvelle. elle était préconisée dans les textes fondateurs de' la Sécurité sociale qui donnaient aux C.R.A.M. la possibilité d'utiliser, selon les circonstances, le bon vieux système de la ''carotte'' et "du bâton". Et l'on peut soutenir que depuis plusieurs années, du fait d'une pression patronale de plus en plus agressive, c'est le système de la ''carotte" qui l'emporte largement. Les employeurs ont vite compris tout l'intérêt qu'ils avaient à accepter la concertation, tant il est vrai qu'il est difficile de sanctionner quelqu'un avec lequel on dialogue. Finis donc les contrôles tatillons. Le maître-mot, de nos jours est celui de contrat. Les C.R.A.M. et les entreprises deviennent maintenant des partenaires qui s'engagent réciproquement sur des objectifs précis, Une procédure simplifiée, évitant toute lourdeur administrative, a été utilisée à partir de 1987; elle permet d'accorder aux entreprises de moins de 300 salariés (dest à dire la grande majorité des entreprises françaises) des avances transformables en subventions en fonction des efforts de prévention qu'elles s'engagent à entreprendre, les objectifs à atteindre étant fixés d'un commun accord.

Convention d'objectifs et contrat de prévention

Un arrêté du 15 décembre 1987 (complété par un arrêté du 25 juillet 1990) précise les différentes étapes de cette procédure:

  1. La C.R.A.M. s'adresse en premier lieu, non pas à l'entreprise, mais à une branche d'activités dans laquelle sont constatés des risques importants ; elle propose aux instances professionnelles de ce secteur de signer avec elle une convention d'objectifs régionale fixant un programme d'actions de prévention spécifique. A moins qu'une convention de même type ait été signée au niveau national, auquel cas la CRAM se contentera de l'appliquer.
  2. Lorsqu'une entreprise de la région appartenant à ce secteur d'activité manifeste la ferme volonté d'améliorer son niveau de sécurité, l'agent de la CRAM procède à une analyse des risques existants, puis di esse la liste des mesures de prévention qui lui paraissent indispensables.
  3. Si l'entreprise accepte de jouer le jeu, la C.R.A.M. lui propose alors de signer un contrat de prévention par lequel elle s'engage à subventionner pendant une période de trois années maximum les investissements nécessaires, l'aide étant modulée en fonction de la nature et de l'importance du risque (15 à 70 % du total de l'investissement),

L'avis du CHSCT est requis (à défaut, celui des délégués du personnel) de même que la consultation de la Direction régionale du travail et de l'emploi qui dispose d'un mois pour donner sa réponse.

Une évaluation, Pratiquée en fin de contrat, va déterminer la décision: acquisition définitive de l'avance ou remboursement partiel ou total de celleci.

La formule du contrat de prévention connaît un succès grandissant, au point qu'il a fallu augmenter la dotation financière du Fonds national de prévention pour répondre à la demande; et pourtant, le principe même de ce contrat continue de susciter des interrogations, tant chez certains employeurs que parmi des organisations syndicales de salariés (voir encadré). Quoiqu'il en soit, il ne faudrait surtout pas que l'existence du contrat de prévention occulte complètement les autres formules de collaboration entre les C.R.A.M. et les entreprises qui, même si elles sont d'un accès plus difficile, sont considérées par certains comme moins ''compromettantes'' pour l'Institution. Rappelons ici que la CRAM. peut accorder des ristournes sur la cotisation ''accident du travail" ou des avances à taux réduit pour faciliter la réalisation d'aménagements destinés à assurer une meilleure protection des salariés. Les conditions d'attribution de ces ristournes et avances sont les suivantes:

Ristournes

Ne peuvent toutefois prétendre au bénéfice de cette ristourne que les établissements soumis à la tarification collective (moins de 20 salariés) ou à la tarification mixte (20 à 299 salariés).

L'avis du C.H.S.C.T. de l'établissement ou à défaut des délégués du personnel est obligatoire. L'avis du D.RTE., du C.T.R. concerné est nécessaire.

L'employeur doit être à jour de ses cotisations et les avoir acquittées régulièrement au cours des douze den-iiers mois précédant la date de prise d'effet de la décision d'attribution. Il doit fournir à la CRAM. tous les éléments permettant d'apprécier le degré d'amélioration du risque: plan détaillé des locaux, description précise des mesures prises, justification des dépenses engagées, etc....

Contrats de prévention: les pour et les contre

Avant d'être proposé aux entreprises, le système des contrats de prévention a été au centre d'une polémique qui a quelque peu contrarié son lancement.

Pour ses détracteurs, un tel système créé autant de problèmes qu'il en résoud. Et notamment ceux-ci:

  • Habituer les entreprises à être financées pour des actions qui sont de leur ressort (puisqu'elles sont en rapport avec la gestion et l'organisation du travail) et qui relèvent donc de la responsabilité de l'employeur, n'est pas sain
  • Les entreprises appartenant à des secteurs professionnels n'ayant pas signé de convention d'objectif avec la C.R.A.M. ou qui emploient plus de 300 personnes ont beau jeu d'accuser les entreprises bénéficiaires d'améliorer leur potentiel technique aux frais de la Sécurité Sociale et de fausser ainsi le jeu de la concurrence. On a vu, il est vrai, plusieurs fédérations patronales conseiller à leurs adhérents d'utiliser au maximum la formule des contrats pour renouveler leur matériel.
  • Autre discrimination, les entreprises bien gérées, qui n'ont pas besoin d'avances, "paient" pour celles qui nécessitent d'être soutenues.
  • Il faut craindre que les avances consenties ne le soient à fonds perdus dans la mesure où elles sont parfois irrécupérables du fait de la situation financière de l'entreprise.
  • Le système place les agents des CRAM. dans une situation ambigue. Ils doivent consacrer beaucoup de temps a la préparation et au suivi des contrats (diagnostic des risques, formalités administratives) au détriment des activités de contrôle. Or, dans beaucoup d'entreprises, la peur du gendarme, c'est à dire le contrôle et la sanction qui peut en découler, reste le début de la sagesse. Et les agents des services de prévention peuvent hésiter à sanctionner une entreprise avec laquelle ils ont passé contrat.
  • On peut se demander à bon droit pourquoi, avant de se lancer dans cette aventure, n'a-t-on pas essayé de modifier le système de tarification actuel, de façon à le rendre plus incitatif d la prévention, une formule qui aurait présenté l'intérêt de concemer toutes les entreprises.

Enfm, les contrats de prévention ne représentent pour les CRAM qu'une capacité d'intervention très limitée au regard du nombre global d'entreprises (4900 contrats signés en 1992) et le risque existe pour elles de se retrouver à terme devant les mêmes problèmes soulevés par les ristournes et les avances, qui restent très peu utilisées.

Pour les partisans du contrat de prévention, celui-ci a eu un effet d'entraînement incontestable.

  • Il est le signe tangible du changement de mentalité qui s'opère dans les rapports entre la Sécurité sociale et les entreprises.
  • Le contrat fixe un objectif à l'entreprise et lui propose une aide financière pour l'atteindre. Dans la majorité des cas, cette aide a permis aux entreprises d'aller au delà de ce qu'elles auraient pu faire seules, faute de moyens.
  • Le lancement des contrats a eu le mérite de populaidser un moyen d'intervention des GRAM qui restait confidentiel.
  • En prévoyant des clauses obligatoires (abaissement de l'exposition aux nuisances, formation à la sécurité, etc... le contrat a "encadre" le système des avances et subventions et lui a dorme une assise juridique et technique
  • Le contrat améliore nettement l'image de marque de la C.R.A.M. auprès des entreprises (employeurs et salariés). L'apport technique des ingénieurs et contrôleurs est très apprécié.

Il reste qu'il est cifficile d'évaluer dans quelle mesure cette sensibilisation à la prévention est purement conjoncturelle ou, si, pour l'entreprise, elle est l'amorce d'une véritable "culture'' de prévention.

Avances et subventions

Les C.R.A.M. sont habilitées à accorder des avances d'argent à taux réduit dans deux cas:

Ces avances sont consenties pour une durée maximale de cinq ans et produisent un intérêt de 2 à 10 % qui est fonction de cette durée et de leur montant. Les mêmes avis que pour les ristournes (inspection du travail, CHSCT, CTR,) sont exigés avant leur attribulion.

Bien entendu, chaque C.R.A.M. est libre d'utiliser ou non ces moyens d'incitation, selon des critères qui lui sont propres. Or, les bilans d'activité publiés par les Caisses laissent apparaître des écarts de comportement assez considérables, les unes refusant obstinément d'accorder des avances (Une attitude qui est parfois compensée par le fait qu'elles se refusent également à infliger des cotisations supplémentaires). d'autres faisant preuve, au contraire, d'une certaine prodigalité. Une harmonisation des pratiques s'impose donc, qui est réclamée depuis longtemps. En tout cas, les écarts constatés peuvent servir à expliquer - sinon à justifier - le succès rencontré par les contrats de prévention.

Moyens de sensibilisation et d'information

Il n'est pas possible de terminer ce chapitre consacré à l'action des caisses régionales d'assurance maladie sans évoquer, même succinctement, un aspect de leur mission qui est actuellement en plein développement: celui de la sensibilisation, de l'information et de la formation du personnel des entreprises (employeurs et salariés) à la prévention du risque professionnel.

Les actions proposées sont de nature très diverse et s'adressent à différents publics. Nous ne citerons ici que les principales d'entre elles:

Chaque CRA.M, met en outre à la disposition des entreprises de sa circonscription différents moyens de sensibilisation et d'information:

Tous ces moyens sont mis gracieusement à la disposition des entreprises, sur simple demande écrite ou téléphonique.

Ajoutons que les ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité présentent de nombreux exposés et conférences dans les entreprises et dans les centres d'apprentissage et de formation professionnelle de leur région.

Enfin, les C.R.A.M. sont présentes dans de nombreuses manifestations locales et régionales (semaines de sécurité, foires-expositions, forums, etc... )

Les Comités techniques régionaux

Les Comités techniques régionaux sont chargés d'assister les Conseils d'administration des caisses régionales dans la gestion du risque, "accidents du travail et maladies professionnelles''.

Le nombre de ces comités varie dans chaque région en fonction des activités qui s'y exercent.

Chaque Comité technique régional est composé de dix-huit membres titulaires (neuf représentants des travailleurs salariés et neuf représentants des employeurs) et d'un nombre égal de suppléants. Leur mandat a une durée de quatre ans; il est renouvelable. C'est le Conseil d'administration de la Caisse régionale qui désigne les titulaires et les suppléants sur proposition des organisations professionnelles de travailleurs et d'employeurs reconnues représentatives.

Le directeur régional de la Sécurité sociale et le directeur régional du travail et, le cas échéant, le fonctionnaire chargé de l'inspection du travail, assistent aux séances des Comités avec voix consultative. Ils peuvent également s'adjoindre des spécialistes des questions de prévention des accidents du travail et maladies professionnelles, notamment des médecins inspecteurs du travail.

Les comités procèdent à toutes études statistiques se rapportant au risque professionnel dans leur branche d'activité respective. Ils doivent s'inspirer, notamment en ce qui concerne la classification des risques et la fixation des cotisations, des directives qui leur sont données par les comités techniques nationaux (Ail. 421-8 du code de la Sécurité sociale).

Ils sont consultés obligatoirement sur l'instauration des nouvelles mesures de prévention (dispositions générales de recommandations) auxquelles doivent se soumettre les employeurs de la région exerçant une même activité. Les décisions prises sont soumises à l'homologation du directeur régional du travail et de l'emploi ou, en cas de refus de ce dernier, au ministre du travail-

Les Comités techniques régionaux sont obligatoirement consultés quand il est question d'accorder des ristournes ou d'imposer des cotisations supplémentaires, pour tenir compte des mesures de prévention ou de soins prises par l'employeur ou des risques exceptionnels constatés dans l'entreprise.

Pour ces questions de ristournes et de cotisations supplémentaires, les Comités peuvent déléguer la totalité ou une partie de leurs pouvoirs à des commissions paritaires permanentes comprenant au moins deux représentants des employeurs et deux représentants des travailleurs choisis parmi les membres des comités intéressés.

Lorsqu'une CRAM décide d'accorder une avance à une entreprise, le comité technique régional compétent doit être associé à cette décision dès l'instruction du dossier d'attribution et jusqu'à la réalisation des aménagements prévus. L'information donnée aux membres du CTR sera complétée par la communication des délibérations du CHSCT présentant ses observations sur l'avancement de l'opération et sur les effets attendus.

Dans le cas de réalisations particulièrement intéressantes, les CTR pourront déléguer deux de leurs membres pour visiter l'entreprise, dans un but d'information ; les frais de déplacement des intéressés seront pris en charge par le budget de prévention.

Il faut déplorer au passage que l'activité - l'existence même - de ces comités soit trop souvent ignorée par les représentants des salariés dans les CHSCT. Or, les membres de C.T.R. doivent se tenir au courant des dernières évolutions techniques dans leur branche professionnelle pour proposer aux CRAM des textes indiscutables. Qui, mieux que les membres des CHSCT, peuvent les informer utilement! Il est donc du devoir des uns et des autres d'établir des liaisons confiantes et permanentes.

Inspection du travail et services de prévention: concurrence ou coordination ?

Tout salarié français, même s'il ne se préoccupe guère de sa situation, a entendu parler de l'Inspection du travail. Ce n'est pas toujours vrai pour le service de prévention de la C.R.A.M. et encore moins pour l'I.N.R.S (Institut national de recherche et de sécurité) et pour l'AN.A.C.T (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail.). Et pourtant, ces organismes extérieurs à l'entreprise exercent une influence déterminante sur les conditions de travail que vivent les salariés. Ils sont à l'origine de la plupart des textes officiels qui réglementent l'hygiène, la sécurité et la prévention du risque professionnel.

Les deux premiers cités interviennent directement dans l'entreprise pour exercer les missions de contrôle et de surveillance qui leur ont été confiées par le législateur ; mais ils ne sont pas les seuls. Ont également accès libre dans les ateliers l'agent de la caisse primaire et le représentant de l'autorité judiciaire (en cas d'accident), ainsi que le médecin-inspecteur du travail. Et ils sont nombreux - employeurs et salariés -à ne pas discerner clairement ce qui différencie ces organismes "officiels" et les raisons des visites successives de leurs représentants.

Pour lever cette ambiguïté, il nous a paru utile, après avoir décrit les différentes missions exercées par ces organismes, de marquer leurs différences qui s'expriment à la fois dans l'étendue de leurs attributions et dans l'ampleur des moyens qu'ils mettent en ceuvre et les difficultés qu'ils rencontrent pour exercer leurs attributions..

Ce qui les sépare

On pourrait supposer que l'intervention de la justice soit de nature à impressionner les responsables d'entreprises. Il semble malheureusement que seul le caractère ù-ifâmant de la peine de prison soit encore efficace, mais il est extrêmement rare que la sanction atteigne une telle gravité, Dans la réalité, elle se limite à une amende dont la modicité est loin d'être dissuasive pour l'employeur qui préférera payer, plutôt que d'avoir à investir des sommes importantes dans la prévention. Sauf si l'amende s'applique autant de fois qu'il y a de salariés exposés au risque, ce que bien sûr, change tout.

Ce qui les rapproche

Pour les CRAM, l'explication viendrait plutôt de la multiplication des contrats de prévention qui nécessitent des enquêtes longues et minutieuses, centrées sur un petit nombre d'entreprises. Les ingénieursconseils et contrôleurs de sécurité se plaignent d'ailleurs d'être accaparés par les tâches administratives nécessaires à l'établissement des contrats, au détriment de leurs missions de contrôle.

Les initiatives tendant à améliorer la coordination entre les deux institutions n'ont pas manqué au fil des années:

Une coordination en pointillé

Il faut croire que les tentatives de rapprochement et de concertation entre les deux institutions n'ont pas été à la hauteur des espérances, puisqu'en 1965, le ministre du travail de l'époque prescrivait la création de comités de coordination, aux échelons national et régional, destinés à établir entre elles une liaison permanente.

Ces comités devaient également se livrer à des études d'ensemble sur certains risques d'accident ou de maladie professionnelle constatés au niveau régional et mettre en commun leurs moyens d'action.

Que reste-t-il de ces fermes intentions. Peu de choses, en fait:

En fait, l'expérience le prouve abondamment, plus que de ces directives venues d'en haut, la coordination entre les deux institutions dépend avant tout des hommes, de leur volonté de jouer le jeu sans arrièrepensée ; elle repose aussi sur un équilibre précaire entre les forces en présence qui, malheureusement, est parfois remis en cause par quelques initiatives malheureuses.

Nouer le dialogue

Et les membres du CHSCT dans tout cela ? Il est évident qu'ils ont tout intérêt à établir des relations confiantes avec les représentants de ces deux organismes. Et d'abord, rechercher le contact en toute occasion (ce qui n'est pas toujours facile car Us sont très sollicités), se mettre à leur disposition pour faciliter leur action, apprendre à les ''utiliser'' à bon escient, autrement dit, ne les solliciter que pour des motifs sérieux.

Dans ce qui précède, nous avons défini le cadre, mais aussi les limites de leur action. Attention, donc à vous adresser au bon interlocuteur, selon la nature de votre problème. Le juriste ou le technicien, faites le bon choix!

L'I.N.R.S: de la recherche à l'action

I.N.R. S. ? Connaît pas (ou très peu). C'est la réponse que l'on obtient en général lorsque l'on interroge des salariés sur la signification de ce sigle. Et pourtant, s'a est un organisme ayant pour vocation principale d'améliorer les conditions de travail des salariés, c'est bien celui-là. Oui mais voilà. Les scientifiques qui dirigent l'organisme sont, semble-t-il, plus soucieux de son efficacité que de sa notoriété auprès du grand public. Ceci explique cela. Les choses sont d'ailleurs en train de changer, car depuis plusieurs années, l'I.N.R.S. conçoit et anime des campagnes de sensibilisation aux risques professionnels dont l'impact, à l'intérieur des entreprises, va grandissant.

Paris-Nancy

L'I.N.R.S. est une association de la loi de 1901, sans but lucratif, administrée par un conseil d'administration paritaire, placée sous la tutelle des pouvoirs publics et qui suit les directives de la Caisse nationale de l'Assurance maladie. C'est l'un des plus anciens organismes créés par la Sécurité sociale puisque ses débuts datent de 1949. Il s'appelait alors Institut National de Sécurité. Les dirigeants de la CNAM voulaient mettre à la disposition des caisses régionales d'assurance maladie une sorte de grand bureau d'études, capable de mener les investigations et les recherches permettant d'améliorer la connaissance des risques et des nuisances, d'élaborer des méthodes de prévention efficaces, de former et infôrmer employeurs et salariés.

L'I.N.S. n'a cessé de se développer jusqu'en 1968, date à laquelle il a véritablement passé la vitesse supérieure, en ajoutant un R (comme recherche) à son sigle. Cette année-là, la CNAM lui a en effet confié le soin de mettre sur pied et de gérer un centre de recherches de conception tout à fait originale, regroupant des spécialistes, techniciens et scientifiques de toutes disciplines (ingénieurs, physiciens, mathématiciens, ergonomes, chimistes, toxicologues, biologistes, médecins, etc... ) dont la mission était de faire progresser la prévention des risques professionnels sous tous ses aspects.

Recherche et action

Le siège social de l'I.N.R.S. est à Paris (30 rue Olivier-Noyer 76680 PARIS CEDEX 14 - Tél 40.44.30.00). Le Centre de recherches est situé en Lorraine, à Vandoeuvre, près de Nancy (Avenue de Bourgogne, 54501 VANDOEUVRE CEDEX. Tél: 83.50.20.00). Un deuxième centre s'est ouvert récemment à Neuves-Maisons ; il abrite notamment les stages de formation à la sécurité, une activité en plein essor,

L'INRS emploie au total 600 personnes, dont 350 sur les sites de Vandoeuvre-Neuves-Maisons.

L'Institut occupe une place originale dans le système de prévention de la Sécurité sociale. Contrairement aux autres organismes, il ne détient aucun pouvoir ; ses seules armes sont la rigueui et la compétence de ses équipes. Toute son action est fondée sur des principes simples en apparence, mais qui se révèlent parfois d'application difficile. Il doit à la fois:

Quatre types de missions

Il serait trop long - et certainement fastidieux - de décrire ici toutes les actions conduites par les différents services de l'INRS.

Nous nous sommes bornés à un simple survol, en insistant toutefois sur celles qui peuvent intéresser les chargés de prévention des entreprises et parmi eux, les représentants du personnel dans les CHSCT.

Les statuts de l'INRS lui fixent quatre types de missions: mieux connaiÎtre les risques professionnels, analyser leurs conséquences pour la santé de l'homme au travail, rechercher comment les combattre et les maîtriser, faire connaître et enseigner les moyens de leur prévention. Sur le plan opérationnel, ces missions se répartissent sur quatre grands secteurs d'activité: l'information, l'assistance, la formation et les études et recherches.

L'information

La diffusion des connaissances en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail emprunte à l'INRS plusieurs voies et moyens:

Des documentalistes spécialisés sont présents pour aider et orienter les visiteurs, Plus de 20.000 ouvrages sont disponibles ainsi que des collections reliées de périodiques français et étrangers, des microfiches, une collections de textes officiels. Un service juridique peut renseigner sur la législation et la réglementation de prévention. Pour ceux qui ne peuvent se déplacer, une banque de données fonctionne sur Minitel. Elle recense plus de 16.000 références récentes de périodiques, ouvrages, notes techniques, normes, thèses, etc... Un répertoire international de 4.400 études en cours ou en projet fournit. des informations détaillées sur les organismes responsables de ces études (banque de données INRS-R).

L'INRS conçoit et édite une collection de supports d'information adaptés à différents publics. Plus de 200 titres sont disponibles (1.500.000 brochures sont distribuées gratuitement chaque année) et s'adressent, soit au personnel d'exécution, soit aux cadres et techniciens et, bien entendu, aux préventeurs et membres de CHSCT. Ces derriiers peuvent utiliser ces documents pour leur information personnelle ou, par exemple, pour orgarriser une action de sensibilisation dans leur entreprise.

Un répertoire de ces éditions (brochures, dépliants, plaquettes, ouvrages, fiches techrliques ou juridiques, listes de fouinisseurs de matériels et équipements de protection ayant satisfait aux bancs d'essai de I'R\TRSParis, est expédié sur simple demande, adressée soit à I'R\TRE Paris ou de préférence au sel vice de prévention de la CRAM qui détient un stock de brochures et peut ainsi répondre très rapidement à la demande.

L'INRS diffuse plusieurs revues qui visent chacune une catégorie particulière de lecteurs:

  • "Travail et Sécurité'' est une revue mensuelle de grande diffusion à laquelle tous les CHSCT devraient être abonnés. Rubriques principales: enquêtes et reportages, nouveautés techniques, résultats d'essais de matériels et de produits, textes officiels.
  • "Les Cahiers de notes documentaires'' s'adresse aux praticiens de la prévention (ingénieurs de sécurité, médecins du travail) et leur apporte les connaissances scientifiques et techniques dont ils ont besoin Les notes sont détachables et peuvent être classées facilement.
  • "Documents pour le médecin du travail''
  • ''Prévenir les risques du métier". journal de la prévention, illustré et de lecture facile. Diffusé par l'intermédiaire des CRAM.

Tous les services de l'INRS sont mobilisés périodiquement pour le lancement de campagnes nationales d'information et de sensibilisation à un risque particulier ou à un ensemble de risques liés à une activité ; les différents médias de l'INRS sont bien entendu sollicités, mais également la grande presse nationale, la télévision, le cinéma, etc...

Les actions proposées par ITN.R.S. sont relayées sur le terrain par les services de prévention des C.R.A.M.

Quelques campagnes récentes.

Une nouvelle campagne est prévue sur le thème des manutentions manuelles (responsables de 30 Il 0 des accidents du travail, dont un grand nombre de lombalgies).

L'INRS peut mettre à la disposition des CHSCT des panneaux d'exposition sur les thèmes suivants: protection de la main, risques encourus par les chauffeurs lors des opérations de chargement - déchargement de leur camion.

L'Institut peut également aller à la rencontre des entreprises qui acceptent de recevoir l'un de ses camions-exposition. Trois véhicules "tournent'' sur les routes françaises. Le premier présente une exposition sur le thème de la protection collective et individuelle des travailleurs, le deuxième reproduit un atelier de démonstration du travail en sécurité sur les machines à bois, le troisième est consacré à des expositions thématiques Ce bruit, la manutention... )

L'assistance technique

Les connaissances et le savoir-faire de l'INRS en matière de prévention sont quotidiennement irris à la disposition d'un très grand nombre d'interlocuteurs, qu'il s'agisse des pouvoirs publics, des C.R.A.M., des responsables sécurité d'entreprises, des CHSCT, des médecins du travail, mais aussi des chercheurs, étudiants, élèves des collèges techniques, etc... Plus de 30.000 demandes sont traitées chaque année.

L'une des principales sources de connaissances est constituée par les appoits des services de recherche de l'Institut, mais viennent s'y ajouter tous les résultats et progrès obtenus grâce aux travaux menés par d'autres organismes français ou étrangers. L'INRS s'appuie sur ce capital de connaissances pour élaborer des méthodes et outils de prévention qu'il met à la disposition des GRAM et des entreprises.

Ces méthodes et outils sont proposés sous différentes formes. Il peut s'agir de dossiers techniques (dossier radio-protection par exemple), de fiches techniques, de guides pratiques (la collection des guides de ventilation est devenue la véritable bible des installateurs de matériel), de logiciels d'enseignement assisté par ordinateur, etc... ; mais l'assistance de l'INRS peut aller jusqu'à un véritable transfert de technologie. L'exemple le plus significatif est peut-être celui du marteau-piqueur, appareil particulièrement dangereux pour l'utilisateur, soumis à de fortes vibrations et à un niveau sonore non moins agressif. MNRS a conçu et fait fabriquer par un industriel un dispositif anti-vibratile et a réussi à persuader les vendeurs et loueurs de matériel de le proposer à leurs clients (Des expériences similaires ont été conduites avec la mise au point et la commercialisation d'un protecteur de scies à ruban (système ADEA) ou celle d'un logiciel d'analyse des dysfonctionnements des systèmes électroi liques (Def. Injector)).

Ces connaissances permettent également à fINRS de mener à bien les missions qui lui sont confiées par le ministère du travail, notamment l'agrément après contrôles des substances chimiques nouvelles et des machines dangereuses, avant leur mise sur le marché. H participe également aux nombreuses réunions des commissions et groupes de travail sur la normalisation convoqués par la Commission des Communautés européennes.

Plus près du terrain, l'INRS collabore avec les CRAM pour évaluer les nuisances physiques et chirriiques dans les ateliers. Les dosages et analyses de prélèvements s'effectuent soit dans les laboratoires régionaux ou dans ceux de l'Institut, qui peut donc répondre à toute demande d'une d'entreprise, d'un médecin du travail ou d'un membre de CHSCT, désireux de connaître le degré de nocivité d'une préparation ou substance nouvelle.

La formation

Signe des temps. les activités de formation de fINRS connaissent depuis plusieurs années une forte progression, doublée d'une diversification non moins importante,

L'INRS créé depuis plusieurs années des aides pédagogiques dont le but est d'aider les formateurs à remplir au mieux leur mission, tout en assurant la mise à jour de leurs connaissances. Chacun des produits comprend un support vidéo et un document (écrit ou diapos) à l'intention des élèves et un guide destiné aux foi mateurs,

Figurent actuellement au catalogue:

Enfin HNRS a lancé récemment des actions de formation dans l'enseignement technique qui concernent aussi bien les enseignants que les élèves. Plusieurs supports pédagogiques (écrits et vidéos) sont déjà opérationnels.

Etudes et Recherches

Les équipes du centre de recherches ont pour mission de fournir des réponses fondées sur des études scientifiques, techniques et médicales aux besoins qu'exprime le monde du travail, Dans ce but, elles conçoivent et mettent au point des méthodes et appareils d'observation et de mesures des risques qui leur permettent:

La deuxième étape consiste à définir et mettre au point des moyens de prévention efficaces:

Ceci n'est qu'un aperçu de l'infinie variété des actions que mène l'INRS, Il lui reste ensuite à faire connaître celles-ci au monde du travail en assurant tous les transferts de technologie nécessaires, ce qui n'est certainement pas la partie la plus facile de l'opération.

Plus et mieux

Si l'INRS n'existait pas, faudrait-il l'inventer ?

A cette question, peu de gens répondraient par la négative. Ce qui n'empêche pas certains de formuler à son encontre des critiques plus ou moins fondées.

Nous en avons retenu ici quelques unes:

Enfin, l'INRS paraît tout désigné pour mettre sur pied des actions de formation en direction des CTN et CTR et des chargés de sécurité des collectivités publiques.

Autrement dit, des incitations à faire plus et mieux, ce qui, après tout, va dans le bon sens!

L'O.P.P.B.T.P: le partenaire-conseil

L'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics est le seul des organismes de branche dont la création avait été prévue par la Sécurité sociale pour chacun des grands secteurs d'activité qui ait vu le jour.

L'affiliation à cet organisme est obligatoire pour toutes les entreprises, établissements et chantiers de la branche du Bâtiment et des Travaux publics.

Cette affiliation est constatée par le paiement d'une cotisation basée sur les salaires, destinée à couvrir le montant de ses dépenses de fonctionnement.

L'Organisme professionnel de prévention est un organisme paritaire constitué par un Comité national et par 16 Comités régionaux dont les administrateurs sont désignés par les organisation syndicales d'employeurs et de salariés les plus représentatives au plan national (Tour Amboise, 204 Rond-Point du Pont-de-Sèvres 92516 Boulogne-Billancourt Cedex TéL 46 09 26 50).

Le Comité national anime, coordonne et contrôle l'action des Comités régionaux. Il étudie les causes des risques professionnels et propose aux Pouvoirs publics toutes mesures dont l'expérience aura fait apparaître l'utilité.

En particulier, sont de la compétence du Comité national: les liaisons avec les organismes et institutions nationaux et internationaux compétents en matière de prévention des risques professionnels et d'améhoration des conditions de travail, l'établissement des statistiques, la documentation et l'information.

Chaque comité régional est plus spécialement chargé de l'action de sécurité aux lieux mêmes du travail. Dans la région où il opère, cette action, qui s'exerce en pai ticulier par l'intervention de délégués à la sécurité, comporte notamment:

Pour sa part, le Comité national participe à la formation initiale et continue des professionnels, tant dans l'enseignement supérieur (écoles d'ingénieurs et cadres techniques) que dans l'enseignement technique et professionnel (visites d'établissements, entretiens avec les professeurs et les moniteurs, etc... )

Il organise également des stages de très bonne qualité qui se déroulent dans son centre de formation situé à Saint-Jean-de-Braye, près d'Orléans (centre Pierre Caloni). 41 types de stages ont été proposés en 1992. Ils portaient essentiellement sur des sujets techniques (gros-oeuvre, fouilles en tranchée, préposés au tir, chefs de postes d'enrobage) mais aussi sur des sujets généraux (PME, CHSCT, gestes et postures, etc... ).

L'organisme diffuse une abondante documentation technique ou de sensibilisation (fiches de sécurité, mémos pratiques, guides) des produits audiovisuels (par exemple montages de diapositives) et des publications périodiques, les ''cahiers des Comités'' et "Sauvegarde des chantiers".

Les obligations des entreprises

Les chefs d'établissements, directeurs, gérants ou préposés qu'ils se sont substitués, sont tenus aux obligations suivantes envers l'O.P.P.B.T.P.: