Mission et moyens d'action des représentants du personnel

L'AMELIORATION des CONDITIONS de TRAVAIL
Un nouveau champ d'action à exploiter pour le CHSCT

Se préoccuper d'amélioration des conditions de travail dans le contexte social actuel peut passer pour une gageure, voire une sorte de provocation à l'égard de salariés qui connaissent des moments difficiles.

Depuis la signature en 1975 par plusieurs confédérations syndicales - dont Force Ouvrière - de l'accordcadre sur les conditions de travail, la situation de l'emploi n'a fait que se dégrader. Les dégâts causés par le chômage sont tels dans la plupart des secteurs d'activité qu'il ont fait passer le thème des conditions de travail au second plan, l'attention étant polarisée sur la défense de l'emploi. Selon la belle formule d'un expert, ''la main" d'oeuvre est devenue une variable d'ai. ustement du système productif'.

Résultat: Une majorité de salariés n'osent plus se plaindre ou revendiquer, de peur de perdre leur emploi. Certains hésitent même à déclarer une maladie ou un accident et ce phénomène de sous-déclaralion est déjà accusé de fausser l'évolution des statistiques d'accidents.

Par ailleurs, les nouvelles formes d'organisation du travail, au lieu de répondre aux attentes des jeunes générations (besoin de responsabilité et d'autonomie, aspiration à davantage de temps libre) sont parfois à l'origine d'une dégradation des conditions de travail les cadences s'accélèrent, le bruit s'amplifie, la charge mentale augmente; les troubles musculo-squelettiques connaissent une envolée spectaculaire et le stress, lié à la hantise du chômage, fait des ravages dans les têtes. D'autres troubles, plus insidieux, apparaissent: ceux qui résultent de la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas atteindre l'objectif assigné. D'où l'abus de plus en plus fréquent d'excitants en tous genres (et de tranquillisants) dont il faudra bien un jour mesurer les effets néfastes en coût économique pour les entreprises.

Les progrès de la technologie (automatisation, mécanisation des manutentions, changements des procédés de fabrication) ont, certes, permis de supprimer des tâches aliénantes, pénibles, dangereuses; mais sous la poussée de la concurrence (et de théories de management dont on ne soulignera jamais assez la nocivité), on voit se développer des nouvelles formes d'exploitation de la main-d'oeuvre de plus en plus contraignantes et déqualifiantes: le flux tendu, le juste à temps, le zéro stock, le zéro défaut, autant de nouvelles formes d'organisation qui aboutissent à "retayloriser" le travail de nombreux opérateurs.

Un domaine nouveau

Même si l'on fait abstraction de ces éléments défavorables, qui, après tout, ne sont peut-être pas irréversibles, il reste que pour le CHSCT la question des conditions de travail n'est pas d'un abord facile. Et cela pour plusieurs raisons:

Après 1982, les CHSCT ont été dotés de moyens d'intervention nouveaux qui devaient leur permettre d'intervenir efficacement dans le domaine des conditions de travail ; et pourtant, toutes les enquêtes conduites sur le sujet le prouvent, les CHSCT persistent à intervenir beaucoup plus volontiers sur les questions touchant à l'hygiène, aux ambiances physiques, aux équipements individuels que sur les études de poste ou les nouvelles formes d'organisation du travail. Cet intérêt pour les questions d'hygiène et de sécurité est d'ailleurs tout à fait justifié, puisque les infractions au Code du travail concernant les locaux, l'aération, l'éclairage, le bruit, l'incendie, relevés par l'Inspection du travail, représentent encore 47 %  du total.

Compétence du CHSCT
en matière de conditions de travail

Pour appréhender la notion de conditions de travail on se référera aux définitions contenues dans l'accord-cadre du 17 mais 1975, dans son avenant du 20 octobre 1989, dans les objectifs de la loi no 91-1414 du 31 décembre 1991 portant transcription de directives européennes et dans la loi no 73Il 95 du 27 décembre 1973.

Ainsi, le Comité devra-t-il être associé à la recherche de solutions concernant:

  • l'organisation matérielle du travail (charge de travail, rythme, pénibUité des tâches, élargissement et enricl-Éssement des tâches);
  • l'environnement physique du travail (température, éclairage, aération, bruit, poussières, vibrations);
  • l'aménagement des postes de travail et leur adaptation à l'homme, en vue notamment de réduire le travail monotone et souscadence:
  • l'aménagement des lieux de travail et leurs annexes ;
  • la durée et les horaires de travail:
  • l'amenagement du temps de travail (travail de nuit, travail posté)

(Extrait de la circulaire ministérielle no 93/15 du 25 mars 1993)

Cette liste est suffisamment détaillée pour que les CHSCT y trouvent matière à se mobiliser. Remarquons toutefois, qu'en ce qui concerne les deux deri-riers points, la durée, les horaires et l'aménagement du temps de travail, le comité doit s'attacher à leur étude sur le seul plan technique, "en vue de mesurer leurs conséquences sur l'organisation matérielle du travail et leurs effets sur la santé des travailleurs".

L'appréciation que chacun porte sur ses conditions de travail comporte une pal t de subjectivité qui tient à l'éducation reçue, à ses aptitudes physiques, à son état de santé. Par ailleurs, il est bien connu qu'une proportion importante de salariés présentent une susceptibilité particulière à certaines nuisances (chaleur, bruit... ) ce quine facilite pas une évaluation objective de l'importance de ces nuisances. Ajoutons que la charge de travail n'est pas supportée de la même façon par deux personnes exécutant la même tâche. L'âge intervient, mais aussi l'habitude de l'effort, la résistance physique et même certains facteurs psychologiques (des soucis personnels par exemple), L'évaluation de la charge de travail est donc, une opération des plus délicates.

Une insatisfaction générale

Et pourtant, qu'on le veuille ou non, l'amélioration des conditions de travail reste plus que jamais une nécessité "incontournable":

Enquête sur les conditions de travail

Pour que le recueil des informations auprès des salariés soit le meilleur possible, on peut s'appuyer sur les conclusions des enquêtes nationales sur les conditions de travail des salariés français conduites périodiquement par les services du ministère du travaï

L'intérêt de ces enquêtes est double: elles ne traduisent pas tant une connaissance objective des conditions de travail que la perception qu'en ont les salariés. Elles parlent donc avant tout du ''vécu" du travail. Elles font remonter à la surface des données qui sont plus ou moins "gommées" par une sorte de passivité ambiante.

Exemple: La survenance dans des ateliers foi tement automatisés, de manutentions de rattrapage qui sont d'autant plus fatigantes qu'elles n'ont pas été prévues dans l'aménagement du poste et ne sont donc pas prises en compte dans l'évaluation de la charge de travail.

Autres exemples:   Les vibrations engendrées par des machines ou ùistallations usagées ou la position debout prolongée qui est de plus en plus mal acceptée ou encore les courants d'air et odeurs désagréables.

Les résultats de la dernière enquête pratiquée en 1991 sont résumés ci-après... Chacun pourra y trouver des repères, des pistes pour mener sa propre enquête.

Premier constat: le nombre des salariés concernés par les pénibilités et les nuisances a augmenté fortement de mars 1984 à mars 1991. Il faut distinguer toutefois entre les grandes entreprises (plus de 1000 salariés) où les risques et pénibilités évoluent plutôt de façon favorable, alors que la situation se dégrade dans les entreprises plus petites (observation confirmée par les inspecteurs du travail qui signalent des manquements fréquents à la législation du travail dans les P.M.E).

Autre observation: Les conditions de travail sont bien moins supportées en 1991 qu'elles ne l'étaient en 1984. Même si l'on peut penser que la perception des risques et des nuisances a changé chez les salariés, on est tout de même fi appé de constater que l'effort physique reste une réalité pour une grande majorité d'entre eux (presque tous les ouvriers sont dans ce cas, contre 72 % des employés et deux tiers des professions intermédiaires). Même dans le tertiaire, 72 % des salariés déclarent effectuer des efforts physiques ou d'attention (contre 63 % en 1984). Rester longtemps dans une posture pénible ou fatigante, ne pas quitter son travail des yeux sont les deux astreintes qui croissent un peu partout, mais dans les industries de biens intermédiaires plus vite qu'ailleurs. Dans ce dernier secteur, tous les indicateurs de risques sont au maximum: chutes d'objets, blessures sur machines, brûlures, respiration de fumées, de produits toxiques. Les intérimaires sont plus exposés que les autres salariés: 48 % déclarent respirer des fumées, 41 % des toxiques contre 36 et 32 % parmi l'ensemble des salariés.

Le BTP apparaît toujours comme le secteur le plus dur. Quatre salariés sur cinq déclarent y travailler dans de mauvaises conditions d'hygiène ; 60 % ont peur d'être atteints par des chutes de matériaux ou de faire une chute grave. Trois quarts des salariés y respirent des poussières. Un salarié sur deux poile des charges lourdes, un sur deux également reste dans une posture pénible.

Bruit: un tiers des salariés déclarent être soumis à des pointes de bruit. Ce sont les ouvriers les plus touchés. L'augmentation est plus nette dans le B,T.P, et les industries agro alimentaires que dans les autres secteurs.

Travail posté: Globalement stable dans l'industrie (19 % des salariés) la proportion des salariés travaillant en deux équipes progresse fortement dans les industries agro-alimentaires. Le travail en trois équipes ou plus s'étend, si-u-tout dans les industries de process et il émerge dans le tertiaire (santé, nettoyage, commerce alimentaire).

Les ouvriers postés utilisent, plus que les autres ouvriers, les nouvelles technologies: robot. machine à commande numérique, machine automatique  et pourtant, Os continuent, pour 29 1 o des ouvriers en deux équipes et 19 % des ouvriers en trois équipes, à travailler à la chaîne (contre 9 % de l'ensemble des ouvriers). Même s'Os recormaissent que les conditions d'hygiène se sont améliorées et que les efforts physiques sont relativement moins importants, Us se déclarent plus exposés aux nuisances et aux risques; Us sont particulièrement nombreux à travailler à une température élevée et dans le bruit.

Enfin on note un peu partout que l'wdgence de la clientèle se fait plus forte, ce qui modifie les conditions de travail de nombreux salariés ; les contraintes de rythme sont plus strictes, les délais plus serrés ; elles s'imposent aux deux tiers des cadres, des professions intermédiaires et des employés, mais nombreux sont les ouvriers qui déclarent ressentir aussi l'influence des contraintes commerciales sur leur rythme de travail. En même temps que ces exigences commerciales se répandent chez les ouvriers, des méthodes plus industrielles gagnent les métiers tertiaires.

Mal informés

Les résultats de l'enquête effectuée en juin 1994 confirment dans l'ensemble les observations précédentes, Les salariés français manifestent toujours la même inquiétude quant à la persistance de certains risques professionnels, en particulier les mauvaises positions de travail (23 %), les accidents par chute (23 %) et les accidents liés à l'utilisation des machines (17 %), Au point que 26 q1o des salariés sondés estiment que le risque d'accident ou de maladie peut constituer un critère de rejet dans le choix d'un métier,

Opinion intéressante, 66 % des salariés interrogés estiment que la responsabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles relève des dirigeants et des cadres des entreprises plutôt que des salariés; mais à l'inverse, la prévention, loin d'être du ressort des dirigeants et des cadres doit être traitée en collaboration étroite avec les salariés des entreprises et leurs représentants (82 %).

On note enfin que 71 % des salariés se disent mal informés sur l'existence de la réglementation européenne en matière d'hygiène et de sécurité et souhaitent l'être davantage.

Pour tout cet ensemble de raisons, il est indispensable que les représentants des salariés au CHSCT investissent beaucoup plus vigoureusement que par le passé le champ des conditions de travail s'ils veulent être réellement efficaces.

Le principal obstacle tient au fait qu'il n'existe guère de méthodes simples, accessibles à tous, permettant au CHSCT de mesurer les effets des nuisances, les dommages dûs aux poids excessif de la charge physique et mentale sur la santé des travailleurs. Nous sommes encore dans un domaine où les bases législatives et réglementaires restent floues, où les connaissances scientifiques sont imparfaites et où il faut donc avant tout compter sur le rapport de force syndical pour faire évoluer favorablement la situation. Pour essayer d'être clairs, nous allons étudier successivement deux aspects des conditions de travail, l'environnement physique puis l'organisation matérielle, tout en sachant que cette séparation est tout à fait fictive, tant il est difficile d'agir sur l'un en négligeant l'autre.

Rappelons ici ce qui constitue pour Force Ouvrière une position syndicale constante: L'amélioration de l'environnement physique du travail se pose en préalable à la mise en ceuvre d'une politique d'amélioration des conditions de travail. Cette derriière n'est recevable que si elle s'appuie sur une action de qualification et de formation des salariés.

L'environnement physique du travail

C'est le domaine où l'intervention du CHSCT est le plus aisée car elle peut s'appuyer sur un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires et sur des données scientifiques généralement admises par tous (niveaux d'exposition, valeurs limites, normes, etc... )

Pour caractériser cet environnement physique, nous prendrons comme exemple la ventilation des locaux de travail, le bruit, le travail sur écran.

La ventilation des locaux de travail

En matière d'aération et d'assainissement de l'air des locaux de travail, le code du travail distingue les locaux à pollution non spécifique (dans lesquels la pollution est liée à la seule présence humaine) et les locaux à pollution spécifique dans lesquels des substances dangereuses ou gênantes sont émises sous forme de gaz, vapeurs, aérosols,

Dans les premiers, l'aération peut s'obtenir soit par ventilation naturelle permanente, soit par ventilation mécanique. Un volume d'air minimum par occupant est prévu (art. R 232-5-2).

Dans les seconds, les émissions de polluants doivent être supprimées (lorsque les techniques de production le permettent) ou captées à la source, où, à défaut, évacuées par la ventilation générale du local. Les installations de captage et de ventilation doivent être réalisées de telle soi-te que les concentrations de polluants dans l'atmosphère des locaux de travail ne soient dangereuses en aucun cas pour la santé et la sécurité des travailleurs et qu'elles restent inférieures à des valeurs limites, indicatives ou réglementaires, qui sont déterminées en fonction de la nocivité et de la toxicité des polluants.

Le recyclage de l'air est possible, sauf pour certaines substances ou catégories de locaux. Les conditions de ce recyclage sont portées à la connaissance du médecin du travail, des membres du CHSCT ou à défaut, des délégués du personnel.

Le Chef d'établissement doit indiquer dans une consigne d'utilisation les dispositions adoptées pour la ventilation et fixe les mesures à prendre en cas de panne des installations. L'inspecteur du travail peut lui prescrire de faire procéder par une personne ou un sières organisme agréé à des contrôles et mesures permettant de vérifier le respect des dispositions décrites cidessus. Toutefois, ces contrôles ne visent que les polluants pour lesquels des valeurs limites réglementaires existent, à savoir: les poussières, les fibres d'amiante, le plomb, le benzène, le chlorure de vinyle, les gaz de fumigation (acide cyanhydrique, bromométhane, phosphore d'hydrogène). La question se pose alors, en cas de dépassement des valeurs limites , de l'exercice du droit de retrait pour les salariés exposés. Ce di-oit a déjà été inscrit dans un texte, le décret du 13 février 1986 relatif à la protection des travailleurs exposés au benzène.

La conception, la mise en place et l'entretien des installations de ventilation sont des opérations souvent complexes qui nécessitent les interventions de spécialistes compétents.

Plusieurs textes importants sont parus depuis 1984, qui actualisent les anciennes prescriptions en fonction de progrès techniques récents. Ils fixent:

Il s'agit en particulier des deux décrets du 7 décembre 1984 qui sont commentés dans une circulaire du 9 mai 1985 (non parue au J.0) ; des arrêtés des 8 et 9 octobre 1987 U.O. du 22.10.1987) relatifs aux contrôles périodiques des installations d'aération et d'assairiissement des locaux de travail ; de la note technique du 5 novembre 1990 relative à la conception, réception et suivi des installations ; enfin pour ce qui concerne les valeurs admises pour les concentrations de certaines substances dans l'atmosphère des lieux de travail, de la circulaire du 19 juillet 1982 modifiée par la circulaire no 93/18 du 12 juillet 1993.

Pour les membres du CHSCT et les techniciens des services de sécurité qui voudraient en savoir plus sur les systèmes de ventilation dans l'industrie, signalons l'existence de la collection de guides pratiques de ventilation (un par activité) édités par l'Institut National de Recherche et de Sécurité et diffusés gratuitement par les caisses régionales d'assurance maladie.

La protection contre le bruit sur les lieux de travail

On ne dénoncera jamais assez la gravité des dommages causés par le bruit sur la santé de l'homme au travail.

Le bruit est une nuisance insidieuse dont les effets sont difficiles à mesurer et à traiter. Insidieuse parce que ses effets sur l'organisme sont souvent sous estimés, y compris par les victimes elles-mêmes, ce qui explique peut-être la mollesse avec laquelle est organisée la lutte contre ce fléau de la civilisation moderne. Difficile à éliminer car les sources de bruit sont innombrables et la réduction des intensités sonores fait appel à des techriiques différentes selon les matériels, installations et locaux auxquels elle s'applique.

Là encore, une mesure générale de prévention s'impose à tout employeur, qui est tenu "de réduire le bruit au niveau leplus bas raisonnablement possible, compte tenu de l'état des techniques"; une formulalion suffisamment vague pour autoriser l'employeur à négliger ses obligations, car il est souvent facile de se réfugier derrière une difficulté ou une impossibilité technique, voire un coût de traitement prohibitif.

Ce n'est pas tout. Il lui est demandé (Décret no 88-405 du 21 avril 1988, confirmé dans ses grandes lignes par la loi no 92-1444 du 31 décembre 1992. relative à la lutte contre le bruit et commenté dans la circulaire du 6 mai 1988.) également de procéder à une estimation et, si besoin est, à un mesurage du bruit subi pendant le travail, de façon à identifier les travailleurs pour lesquels l'exposition sonore quotidienne atteint ou dépasse le niveau de 85 décibels (A) ou pour lesquels la pression acoustique de crête atteint ou dépasse le niveau de 135 db (A).

Ce mesurage est à renouveler tous les trois ans ou en cas de modification des installations (Immédiatement, après mise en demeure de l'inspection du travail). Les résultats du mesurage sont tenus à la disposition des travailleurs exposés, du médecin du travail, des membres du CHSCT, de l'Inspecteur du travail et des agents des services de prévention des caisses régionales d'assurance maladie. Les intéressés doivent recevoir les explications nécessaires sur la signification des ces résultats.

Le mesurage de l'exposition au bruit doit être effectué en utilisant la méthode et l'appareillage spécifiés par la norme française NF S 31-084. Il peut être pratiqué par un technicien de l'entreprise, à l'aide d'un sonomètre ou par le représentant d'un organisme agréé, habilité à procéder à des mesures de bruit en milieu de travail.

La circulaire du 6 mai précise qu'il est possible de procéder à des mesures par échantillonnage sur des postes représentatifs.

Si les résultats du mesurage dépassent les maxima autorisés, l'employeur est tenu de prendre, soit des mesures de prévention technique collective, soit des mesures de protection individuelle, et dans tous les cas, de mettre en place une surveillance médicale des travailleurs exposés.

Il s'agit pour le médecin du travail, de diagnostiquer tout déficit auditif induit par le bruit, en vue d'assurer la conservation de la fonction auditive.

Attention, danger!.

Il y a plusieurs moyens de lutter contre les niveaux de bruit excessifs: directement en agissant. sui la source du bruit (suppression, remplacement du matériel ou modification de sa conception) ; indirectement en agissant, sur l'organe de transmission (captage, absorption) ou sur l'individu (réduction de l'intensité ou du temps d'exposition, protection individuelle).

Il n'est pas toujours indispensable de se lancer inconsidérément dans de grands travaux pour réduire l'intensité des niveaux sonores. Il suffit parfois, par exemple dans le cas de bruits par flottement ou -vibration forcée ou de transmission par des engrenages, d'interposer des couches de matériaux absorbants appropriés pour obtenir des résultats intéressants.

Ce qu'il faut néanmoins retenir, c'est que chaque type de brilit exige une étude et une solution propres

Dans la plupart des cas, il y a donc intérêt à faire appel à un technicien compétent si l'on veut éviter des déboires.

Cela dit, s'il est un domaine où le CHSCT doit se montrer exigeant, c'est bien celui de la protection des travailleurs contre le bruit. Il est bon de se souvenir que les dommages causés par cette nuisance ne sont pas seulement cumulatifs, ils sont irréversibles.

La surdité est d'ailleurs l'une des principales causes de maladies professionnelles en FRANCE (791 cas constatés en 1992) et son indemnisation pèse lourdement sui le budget du régime "accident du travail".

Une fiche médicale est alors rédigée qui mentionne les postes occupés, les dates et résultats des mesurages, les modèles de protecteurs individuels fournis, les dates et résultats des examens médicaux pratiqués.

Ce dossier médical est conservé pendant deux ans, après cessation de l'exposition. En cas de changement d'établissement, un extrait peut être transmis, sur demande du salarié, au médecin du travail du nouvel établissement. Les résultats, non nominatifs, des examens médicaux sont tenus à la disposition des membres du CHSCT et des représentants des organismes de prévention extérieurs.

Notons encore que les lieux ou emplacements de travail où le niveau de 90 db (A) est susceptible d'être dépassé doivent faire l'objet d'une signalisation appropriée, voire de certaines restrictions d'accès.

Enfin, tous les travailleurs exposés doivent recevoir une information et une fon-nation adéquates, avec le concours du médecin du travail, en ce qui concerne le risque, les moyens mis en ceuvre pour le prévenir, l'obligation de se conformer aux mesures de prévention et de protection prévues (inscrites éventuellement dans le règlement intérieur ou les consignes) et les modalités d'utilisation des protecteurs individuels.

Le travail devant écran

L'irruption de l'informatique dans les bureaux et ateliers constitue sans nul doute l'une des causes majeures des mutations technologiques observées ces dernières années. La moitié des salariés français utilisent maintenant un écran de visualisation pour leur travail; l'amélioration de la productivité a été telle que l'ordinateur a vite occupé la place centrale dans le processus de production, sans que l'on ait eu toujours le temps de concevoir des locaux et des postes de travail appropriés. Le résultat ne s'est pas fait attendre -les plaintes des opérateurs ont afflué, l'absentéisme pour maladie, le turn over, ont atteint des niveaux records et il a bien fallu faire appel aux spécialistes, ergonomes et médecins, pour rétablir une situation compromise.

Il semble maintenant que les erreurs grossières commises lors de l'introduction du matériel informatique aient été, pour l'essentiel, corrigées; et pourtant, le travail sur écran continue à avoir mauvaise réputation. Les opérateurs se plaignent toujours d'une fatigue visuelle plus ou moins intense, de douleurs dans le dos et le cou et de stress. Certains accusent même les radiations émises par les écrans de porter atteinte à leur santé.

Il est vrai que si l'équipement des postes a bénéficié de l'expérience acquise, de nombreuses enquêtes pratiquées depuis 1980 mettent en évidence des erreurs dans l'organisation du travail, voire l'émergence de nouvelles formes d'exploitation taylorienne de la main d'oeuvre (notamment chez les opérateurs de saisie).

Tous les pays industrialisés sont confrontés à ce problème. C'est pourquoi la Communauté européenne a décidé très vite de réglementer le travail sur écran.

Une directive sociale publiée le 21 juin 1990 sous la référence 90/270/CEE fixe les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation, que ce dernier soit alphanumérique ou graphique et quel que soit son procédé d'affichage. Le ministère du travail fiançais a, par un décret en date du 14 mai 1991 GO du 16.5.1991), transposé cette directive dans notre droit national. Le texte est entré en vigueur le 1er janvier 1993 , toutefois, pour les matériels mis en service avant cette date, les articles du texte concernant l'équipement (affichage, clavier et mobilier) ne seront applicables qu'au Il, janvier 1997.

Une circulaire DRT du 4 novembre 1991 fournit des précisions sur les conditions d'application du décret. Potamment sur l'interruption périodique du travail (pause) la surveillance médicale spéciale de l'opérateur, l'équipement et les conditions d'ambiance physique des Iocaux. On se souviendra que le changement d'activité n'équivaut pas à une pause!

Signalons également la parution en 1987 d'une norme française NF S - X - 35 - 121 intitulée "Travail sur écran de visualisation et clavier" qui présente l'intérêt de s'appliquer à tous les postes de travail, aux pupitres de contrôle ou de commande de tout processus technique ou administratif (sauf aux postes de conduite des véhicules ou aux systèmes informatiques embarqués à bord d'un moyen de transport).

Les causes de l'astreinte visuelle

D'après les spécialistes de FINRS (Institut National de Recherche et de sécurité.) qui se sont beaucoup intéressés à cette question, l'intensité des troubles visuels est en rapport direct avec le nombre d'heures de travail et le temps passé à consulter l'écran journellement. La fréquence des symptômes regroupés sous le terme de fatigue ou d'astreinte visuelle (picotements, affaiblissement de la vision de près, image double, etc... ) augmente donc avec la durée du travail sur écran. On a constaté que cette fréquence s'accroiît nettement lorsque la durée du travail sur écran, sans alternance avec un travail non informatisé, dépasse les six heures. L'examen des fonctions visuelles (mesure de l'accommodation, de l'acuité visuelle, etc... ) confirme ces observations, L'acuité visuelle se dégrade, l'amplitude d'accommodation diminue, le temps de récupération de l'accommodation s'allonge,

De par ses exigences, le travail sur écran met également en évidence des petits défauts de la vision. On a constaté une relation directe entre la préexistence de défauts visuels et la fréquence des symptômes de fatigue oculaire des opérateurs. Cette fréquence est généralement plus élevée chez les porteurs de lunettes. Les effets conjugués de l'âge et du poil de verres correcteurs sur l'astreinte visuelle ont été également établis.

Parmi les autres causes de l'astreinte visuelle figurent les facteurs environnementaux et particulièrement l'éclairage (rapports de luminance trop élevés dans le champ visuel de travail, éclairement inadéquat) la chaleur excessive Ga sécheresse de l'air peut déshydrater la cornée et entraîner une irritation des conjonctives), une mauvaise qualité de l'image (reffets, manque de netteté des caractères, papillotement, saturation des couleurs, etc... )

Les opérateurs se plaignent également de douleurs cervicales et dorsales (raideurs, crampes, douleurs, fatigue). Les parties du corps concernées sont principalement la nuque, les épaules, le bas du dos mais aussi le poignet et la main (syndrome du canal carpien). Parmi les causes de ces troubles musculosquelettiques, les plus importantes sont les contraintes posturales liées à l'aménagement des postes et à l'organisation du travail, ainsi crue les contraintes engendrées par le clavier,

Reste enfin le stress qui se traduit par des troubles émotionnels (irritation, anxiété, dépression) et psychosomatiques (insomnies, manque d'appétit, transpiration, etc... ) et parfois des modifications biochimiques (corticol salivaire). C'est le cas, fréquemment, des opérateurs de saisie dont le niveau de satisfaction au travail est plus bas que celui des autres catégories professionnelles.

Les obligations de l'employeur

Sur la base de ce qui précède, HNRS a effectué un travail de synthèse des différentes recommandations formulées par plusieurs organismes spécialisés en France et à l'étranger. Nous en retiendrons les conseils suivants:

Un accord unique en son genre

"L'amélioration des conditions de travail est un élément déterminant de la modernisation des entrepnses, celle-ci étant d'autant mieux perçue qu'elle ne constitue pas seulement un facteur de prop-ès pour Tentrepnse, mais qu'elle est également un facteur de qualité de vie professionnelle pour les salariés. L'amélioration des conditions de travail qui est un des enjeux humains de la modernisation, doit donc, en évitant les répercussions néfastes sui l'environnement, contribuer à l'amélioration tout à la fois de la situation clos salaiiés et du fonctionnement des entrépises".

En quelques lignes, tout est dit; ce texte résume à la fois une philosophie et une stratégie de l'action (Il est extrait de l'avenant du 20 octobre 1989 à l'accord-cadre interprofessionnel sur l'amélioration des conditions de travail du 17 mars 1975 modifié par l'avenant du 16 octobre 1984.); mais poursuivons:

"Dans cette double perspective, les partenaires sociaux des branches professionnelles se rencontreiont à l'initiative de la partie la plus diligente pour dresser en commun un constat de la situation de la branche à partir duquel s'il en fait apparaître la nécessité, ils détermineront d'une part, les mesures prioritaires et définirent, d'autre part, des objectifs dont la réalisation pourra s'étaler surplusieurs années et donnant lieu à des bilans réguliers A cette occasion, ils examineront les conditions de développement d'une politique de prévention adaptée aux spécificités des RME."

Et c'est là que le bât blesse. Il n'y a évidemment rien à redire à ce texte qui est excellent, sauf qu'il en est resté au stade des voeux pieux avec une seule exception: celle de l'accord dans les industries chimiques signé par la Fédéchimie Force Ouvrière le 20 mai 1992.

Les points forts de cet accord mériteraient d'être commentés ici.

Rappelons simplement qu'ils portent sur:

  • les contreparties au travail de nuit
  • les conditions de travail (reconnaissance de la notion de limite à la charge de travail, notamment pour le persormel d'encadrement).
  • le CHSCT (possibilité de créer une instance supplémentaire de coordination dans les entreprises de plus de 500 salariés qui ont mis en place plusieurs CHSCP,
  • l'environnement (l'accord anticipait sur la mise en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1991)

Même si la situation économique du secteur des industries chiririques est globalement meilleure que celle de bien d'autres secteurs, il n'en reste pas moins que cet accord, qui a nécessité des discussions longues et difficiles, manifeste la volonté des partenaires sociaux de faire progresser ce qui reste de grain à moudre quand les salaires sont au point mort (selon l'excellente formule d'André BERGERON). Il risque malheureusement de rester unique en son genre, ce qui est pour le moins regrettable.

 

Un chapitre du décret est enfin consacré à l'équipement du poste de travail (caractères sur l'écran, luminance, orientation de l'écran, position du clavier et du plateau. espace de travail, siège, repose-pied).

Les représentants du personnel au CHSCT trouveront dans ce texte des indications utiles pour étayer leurs interventions, Pour les aider dans les négociations collectives de branche ou d'entreprise qui devraient compléter et concrétiser par des mesures plus précises le contenu du décret, Us peuvent avoir recours aux trois publications de l'INRS parues sur le sujet et qu'ils peuvent obtenir auprès des services Prévention des caisses régionales d'assurance maladie:

L'organisation matérielle du travail

Nous abordons ici un des aspects des conditions de travail dont les effets sur la santé des travailleurs sont mal définis, dont la mesure est incertaine, où les facteurs individuels sont prépondérants.

L'étude de l'organisation matérielle du travail révèle bien des surprises. On pourrait supposer a priori que les responsables des entreprises connaissent avec une assez grande précision l'importance de la charge de travail liée à l'exécution d'une tâche qu'ils ont euxmêmes définie. Or, des études d'ergonomie le démontrent, un grand nombre de ces responsables sont ignorants de la pénibilité réelle de cette tâche et des risques qui l'entourent. Les représentants salariés au CHSCT doivent donc se montrer vigilants sur les moyens de mesure utilisés pour évaluer la charge de travail dans l'entreprise.

La mesure de la charge de travail

Les grilles d'analyse des conditions de travail mises au point par les spécialistes de l'organisation de travail et employées communément sont réputées objectives, mais on peut leur reprocher de poi ter uniquement sur les aspects identifiables et mesurables des conditions de travail et de se référer à un système de normes. Or, chacun le sait, l'opérateur moyen conforme aux normes n'existe pas.. Et ne pas tenir compte des différences existant entre un opérateur et l'individu de référence peut être on s'en doute, grave de conséquences.

Autre reproche fait à ces grilles d'analyse, c'est qu'elles minimisent - quand elles n'escamotent pas purement et simplement - les dysfonctionnements, les surcharges, tous les incidents dont la récupération est assurée par le salarié au détriment, parfois, de sa sécurité. Ces grilles ne prennent pas en compte, non plus, les effets à long terme de la mise en ceuvre de certains équipements ou procédés techniques. L'exemple des troubles musculo-squelettiques (T.M.S) est à cet égard, tout à fait édifiant. Qui aurait pensé, il y a seulement quelques années, que les troubles musculo-squelettiques (Tableau de maladies professionnelles no 57 intitulé "Affections péri-articulaires'') deviendraient la première cause de maladie professionnelle en France (1342 cas sur un total de 5080 maladies) ? Il a suffi pour cela qu'une majorité de chefs d'entreprise, désireux d'améliorer la rentabilité financière de leurs installations, se lancent dans des modifications inconsidérées de leur organisation du travail, à base de retaylorisation (le retour de la chaime et des gestes répétitifs dans les ateliers de montage par exemple), d'accélération des cadences, d'aggravation de la charge physique. Résultat: une multiplication des tendirÉtes et des lésions des articulations dont la gravité va du simple arrêt de travail jusqu'à l'opération chirurgicale, voire l'invalidité.

Défaut majeur de ces grilles, donc, elles ne prennent pas suffisamment en compte les effets réels des conditions de travail que subissent les salariés. ''La charge de travail supportée est-elle compatible avec les exigences de leur santé physique et mentale ?" (Titre I de l'accord-cadre du 17 mars 1975)

La réponse à cette question est déterminante pour la définition d'une politique d'amélioration des conditions de travail. Cela signifie que l'entreprise doit se doter d'un système d'observation et de mesure des effets des conditions de travail qui fournisse des indications précises sur l'importance de la charge de travail et les conséquences éventuelles sur la santé et la qualité de vie au travail du système d'organisation de la production en usage dans l'entreprise; un système qui évalue les nuisances supportées et l'état de santé des salariés, enregistre leurs réactions physiologiques pendant le travail et, par l'analyse des accidents et incidents, détecte les dysfonctionnements de l'organisation du travail.

Des listes d'indicateurs

Nous n'en sommes malheureusement pas là. Certaines rubriques du bilan social fournissent quelques indications, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour établir un véritable diagnostic. En revanche, on pourra s'appuyer avec profit sur les listes d'indicateurs utflisés dans les enquêtes nationales sur les conditions de travail qui permettront de poser des bonnes questions à différents niveaux.

Voici quelques exemples de ces indicateurs (positifs ou négatifs):

  1. facile à objectiver (travail de nuit, air conditionné, lumière artificielle, port de protections... )
  2. difficile à objectiver (secousses, vibrations, signaux sonores difficiles à détecter, examen d'objets très petits, posture debout fatigante à la longue, tension dans les rapports avec le public,..)

On mesure par ces quelques exemples à quel point il est difficile de dresser une liste exhaustive des contraintes subies par un salarié à son poste de travail, sans se livrer à une véritable enquête en foi-me de puzzle.

Une affaire qui nous concerne

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, il paraît indispensable que l'organisation syndicale et les représentants des salariés aux CHSCT prennent une part active à toute étude conduite dans l'entreprise sur les conditions de travail ; parce qu'ils sont les mieux placés pour dire si telle situation est meilleure que telle autre: ils vivent quotidiennement cette situation, ils la connaissent par l'intérieur. Et ils ne sont pas naïfs ; ils savent que toute étude effectuée à leur insu est, dans la plupart des cas, menée contre eux.

C'est d'ailleurs ici le moment de rappeler que si certaines des modifications proposées ou imposées inquiètent les représentants du personnel au CHSCT, ils peuvent faire appel à l'inspecteur du travail. Celui-ci fera jouer éventuellement la procédure de mise en demeure prévue à l'article L 231-5 du code du travail. "le directeur départemental du travail, sur le rapport de l'inspecteur du travail constatant une situation dangereuse résultant d'une infraction aux dispositions concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs, notamment dans le cas où le risque professionnel trouve son origine dans les conditions d'organisation du travail ou d'aménagement du poste de travail, l'état des surfaces de circulation, l'état de propreté et d'ordre des lieux de travail, le stockage des matériaux et des produits de fabrication, le caractère plus ou moins approprié des matériels, outils et engins utilisés, leur contrôle et leur entretien, peut mettre en demeure les chefs d'établissement de prendre toutes mesures utiles pour y remédier".

Cette mise en demeure fixe des délais d'exécution et des pénalités financières si l'employeur refuse de se plier à la demande.

Un allié: le médecin du travail

Un autre moyen d'observation des conditions de travail consiste à s'appuyer sur les résultats des examens de santé et des visites des lieux de travail pratiqués par le médecin du travail, dans la mesure bien entendu, où U accepte d'en faire état, sous une forme anonyme, dans les réunions du CHSCT. C'est un spécialiste de la physiologie humaine. Il a pu noter des états de fatigue inquiétants, des troubles circulatoires fréquents, des cas d'obésité, des douleurs rachidiennes à répétition, etc... Il peut mesurer la fréquence cardiaque pendant l'effort et pendant la période de récupération, demander des examens complémentaires, surveiller les réactions à l'utilisation de certains produits (Voir chapitre "Médecine du travail").

Acteurs et spectateurs

L'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique d'amélioration des conditions de travail pose des problèmes souvent complexes. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a des fautes à ne pas commettre ; croire par exemple, pour le chef d'entreprise, qu'il lui est possible de décider seul de ce qui va être bon ou mauvais pour son persormel. Le domaine des conditions de travail est, au contraire, celui où rien de sérieux ne peut se faire, sans les apports des spécialistes compétents: le médecin du travail, l'ergonome, le psychologue, l'architecte, le fournisseur de matériel, sans oublier l'inspecteur du travail et le technicien du service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie; mais également sans qu'il en ait été débattu avec les représentants des salariés. C'est, de toute évidence, la manière la plus sûre d'aboutir à des améliorations techniques efficaces, respectant la physiologie humaine, préservant la santé des travailleurs, pouvant leur ouvrir des perspectives de qualifications nouvelles qu'il leur appartiendra de faire inscrire dans les accords de branche ou d'entreprise.

Le rôle des représentants du personnel au CHSCT est de ce point de vue essentiel puisqu'ils sont à la fois acteurs et spectateurs des situations de travail dans l'entreprise. Ils sont donc les mieux placés pour faire remonter les informations nécessaires du terrain, répercuter le jugement des opérateurs sur leurs postes de travail leurs attentes et leurs besoins.

Pour cela, ils doivent être en permanence à l'écoute des salariés, les regarder travailler, observer leurs gestes, leurs postures, poi ter un oeil critique sur les cadences de travail, la pénibilité musculaire, le nombre de manutentions, l'encombrement du poste, surveiller les machines, noter leurs dysfonctionnements, évaluer l'ambiance physique, etc....

C'est à l'égard des locaux, de leur implantation et de leur aménagement que s'exprime le plus fréquemment l'insatisfaction des salariés. Ce point doit être étudié avec le plus grand soin. Bien entendu, le meilleur moment pour intervenir est celui de la phase de conception du bâtiment, car après, il s'agira surtout de remédier aux défauts constatés, c'est à dire faire de l'ergonomie de correction, ce qui est toujours plus difficile et coûte plus cher que l'ergonomie de conception. Soulignons-le encore ici: il n'est pas nécessaire d'être ingénieur ou architecte pour apporter sa contribution: Un avis fondé sur le simple bon sens, étayé par la connaissance pratique des postes et des circuits de production peut éviter aux concepteurs des erreurs catastrophiques pour le bien-être des opérateurs et les finances de l'entreprise, Qui ne connaît d'exemples édifiants sur le sujet!

La durée et les horaires de travail

Un grand nombre d'entreprises françaises sont équipées pour fabriquer des produits de grande consommation à bas prix. Face à une concurrence de plus en plus sévère, elles cherchent, par une utilisalion en continu de leurs installations et par une organisation de travail de plus en plus contraignante (travail posté ou par équipes successives, travail de nuit, polyvalence, etc... ) à conserver leur place sur le marché, Et parallèlement, elles s'engagent dans une flexibilité maximale des emplois pour répondre aux fluctuations de la conjoncture.

D'où le développement massif de nouvelles formes d'exploitation de la main-d'oeuvre: intérim, travail temporaire, contrats à durée déterminée, soustraitance en cascade, etc... On connaît les résultats d'une telle politique: outre l'émergence d'inégalités criantes entre les travailleurs à statut précaire et ceux qui occupent un emploi permanent, on a assisté en 1993 à une inversion loi utale de la tendance à la baisse continue des accidents du travail que nous connaissions depuis une vingtaine d'années (voir chapitres: "les accidents du travail et les maladies professionnelles" et ''les travailleurs précaires").

Autre conséquence, les horaires de travail sont de plus en plus irréguliers et diversifiés. L'enquête sur les conditions de travail de 1992 révèle que les horaires fixes ne concernent plus que 52 % des salariés. Le travail en équipes alternantes touche maintenant 15 q/o des salariés. Le repos du samedi et du dimanche est, lui aussi, menacé: 21 % des salariés travaillent au moins une fois le dimanche et 47 % le samedi- Le travail de nuit, lui, reste stable ; mais jusqu'à quand ?

Pourtant, on connaît maintenant les effets nuisibles sur la santé et la qualité de vie du travail posté (altération des capacités physiologiques, déphasage des cycles d'éveil et de sommeil, difficultés d'ordre social et familial, vieillissement précoce, etc... ). Il faudra donc poiler une attention particulière à la transposition en di oit français de la directive européerme du 23 novembre 1993 dont la date d'application a été fixée au plus tard le 23 novembre 1996. Cette directive fixe une durée maximale du travail de nuit de 8 heures au cours d'une période de 24 heures, une durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures y compris les heures supplémentaires, un temps de pause, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à 6 heures, une période minimale de repos journalier de 11 heures consécutives, une période minimale de repos hebdomadaire sans interruption de 24 heures, auxquelles s'ajoutent les 11 heures de repos journalier (Notons également que l'article 73 de la DDOS du 4 févriei 1995 impose un repos compensateur obligatoire de l00% pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent de 130 heures (article L, 221-6 du code du travail).). Ce texte compoi te également d'autres dispositions sur le travail de nuit, le travail posté et le rythme de travail (évaluation de la santé et passage au travail de jour des travailleurs de nuit, information des salariés en cas de recours régulier au travail de nuit... ).

Rappelons qu'il ne s'agit toutefois que de ''prescriptions minimales", et qu'en France l'ordonnance du 16 janvier 1982 a limité à 35 heures en moyenne l'horaire hebdomadaire des travailleurs postés continus.

En revanche l'assouplissement de la législation sur la possibilité de recourir au travail de nuit a sensiblement augmenté le nombre de salariés travaillant en semi-continu (3 x 8 avec arrêt le samedi et le dimanche). Or ce rythme est certainement plus pénible que le travail en continu ; pourtant, il reste soumis à un horaire hebdomadaire de 39 heures. Rappelons la revendication de FORCE OUVRIERE d'un horaire de 33 heures 36 minutes pour tous les salariés travaillant en équipes alternantes comprenant du travail de nuit, que ce type de travail soit effectué de façon continue ou semi-continue.

L'ère de la télé-subordination

Par ailleurs nous devons nous montrer très vigilants quant aux effets assez désastreux sur le droit du travail de la mise en oeuvre de certaines technologies ; le législateur va devoir très rapidement s'occuper de fixer des limites aux empiétements de plus en plus fréquents de l'ordinateur dans la vie privée des salariés.

Remarquons déjà que l'instauration des horaires libres et du travail en équipes alternantes signifie en clair l'impossibilité pour l'inspecteur du travail d'exercer un véritable contrôle sur la durée du travail. Mais il y a pire.

Le chef d'entreprise dispose d'outils de plus en plus perfectionnés pour surveiller en continu l'activité de ses salariés. Selon l'expression des spécialistes, le travailleur devient transparent devant son employeur.

A l'embauche, le candidat à l'emploi va devoir répondre à des questions traitées par un logiciel (un autre logiciel contient, parait-il en mémoire une liste de motifs de licenciement réactualisés en permanence). On va ensuite, grâce à des appareils électroniques de plus en plus perfectionnés, enregistrer la cadence de travail et donc la productivité du salarié, les erreurs qu'il commet, etc... Toutes ces données, rassemblées en un clin d'oeil, permettront d'évaluer son activité et les services qu'il rend, (ou ne rend pas) à l'entreprise.

Une telle pratique est encore (pour combien de temps ?) interdite. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 novembre 1991 l'a confirmé: "Si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité des salariés pendant le travail, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à leur insu constitue un mode de preuve illicite".

Pourtant, ces systèmes existent bel et bien et l'on peut imaginer la tension nerveuse de ceux cpù se sentent ainsi épiés pendant leur travail!

Autre aspect de ce que d'aucuns ont surnommé la télé-subordination: la disponibilité permanente obligatoire. Le téléphone dans la voiture de fonction, l'alphapage que l'on emporte chez soi le soir ou le dimanche, le fax, le minitel, la messagerie électronique, autant de moyens nouveaux qui permettent à l'employeur de prolonger la durée du travail et qui rendent impérieux un toilettage du Code du travail. Et que dire des télé-travailleurs (ou travailleurs à distance, à domicile) dont certains se demandent déjà si ce sont de véritables salariés ou des ''indépendants". Les représentants des travailleurs au CHSCT doivent donc se montrer très attentifs à des évolutions qui risquent de s'accélérer encore.

En misant sur la souplesse et la faculté d'adaptation de la main-d'oeuvre, le patronat a cru choisir la solution la plus facile à mettre en oeuvre. Il lui faudi a du temps pour reconnaître que pour améliorer l'efficacité industrielle, il doit répondre autrement aux aspirations de cette main d'oeuvre, ne plus la considérer comme une "variable" d'ajustement mais la placer au contraire au centre de sa stratégie de développement. H faut espérer que la réflexion ne durera pas trop longtemps ; sinon, nous allons tout droit vers des ruptures socioculturelles irrémédiables.

Les nouvelles technologies

Avant de clore ce chapitre "conditions de travail", il nous reste à examiner un aspect qui prend de plus en plus d'importance de jour en jour: celui de l'introduction dans l'entreprise de nouvelles technologies.

Dans le climat social incertain qui est le nôtre actuellement, il est normal que la simple annonce d'un tel projet déclenche des réactions de crainte et d'autodéfense de la part des salariés. Réactions justifiées, car, trop souvent, la mise en place d'un outil de production plus perfoirriant s'accompagne de déqualifications et de suppressions d'emploi. Faut-il pour autant refuser le progrès technique ? Non, bien sûr. Mais un tel événement est, pour les représentants des salariés au CHSCT, l'occasion ou jamais d'être aux côtés des travailleurs et de mettre en action toute la batterie de moyens dont ils disposent.

Modernisation n'est pas toujours, loin de là., synonyme d'amélioration des conditions de travaiL Pour une opération réussie, conduite par des techniciens compétents s'appuyant sur l'expérience des gens du terrain, combien d'entreprises hasardeuses, mal engagées, se terminant par des fiascos et qui creusent encore plus le fossé entre ceux qui dirigent dans l'entreprise et ceux qui exécutent ! On a d'ailleurs pris conscience dans de nombreux secteurs d'activité que l'on avait été trop loin et trop vite dans les mutations technologiques et l'on assiste, ici ou là, à des retours en arrière. A cet égard, l'exemple de l'informatique (voir encadré) est tout à fait édifiant. Notre camarade Marcel FABRE exprime la même opinion lorsqu'il écrit dans son rapport au Conseil Economique et Social "L'impression qui prévaut est finalement que le travail se transforme mais globalement, de façon erratique ou contradictoire".

De façon pratique, quelle conduite le CHSCT doit-il adopter ?

Imaginons les trois scénarios suivants:

1) L'employeur, pour des raisons diverses, ne prend aucune initiative pour moderriiser ses installations, alors que le besoin s'en fait sentir depuis longtemps. Les salariés et leurs représentants, inquiets de cette inertie, et constatant la dégradation progressive des conditions de travail, s'interrogent.

Seule l'action syndicale peut modifier cette situation,

Toutefois, si cette inertie est à l'origine de défaillances techniques, d'incidents de toute nature qui, fatalement, vont mener à l'accident, le CHSCT doit alerter l'inspecteur du travail qui mettra l'employeur en demeure de faire cesser le risque. Rappelons que tout autant que le non respect de la réglementation, la négligence peut déboucher sur la faute inexcusable.

Les "temps modernes" sont toujours là

L'automatisation croissante des moyens de production, l'utilisation massive, depuis une vingtaine d'armées, d'équipements informatisés dans la plupart des secteurs industriels transforme radicalement les conditions de travail des opérateurs. L'intervention directe sur la machine cède la place à des fortedons de surveillance et de maintenance, Cette évolution constitue un facteur d'amélioration de la sécurité du travail puisqu'elle se traduit par une diminution des taches physiques (suppression d'opérations de chargement de pièces, de manutention, de stockage, etc...) mais peut-on dire pour autant qu'il s'agisse d'une amélioration décisive des conditions de travail ? Cellairiement pas. On a pu lire dans J'enquête sur les conditions de travail en 1992 que la charge physique était encore présente dans un grand nombre d'ateliers et même dans le tertiaire ; que le bruit, la saleté y régnaient encore ; mais surtout, on constate que l'emploi de matériels automatisés crée des risques nouveaux et va jusqu'à susciter des phénomènes d'exclusion.

Une proportion non négligeable de professionnels sont en effet incapables de comprendre le langage trop abstrait de l'ordinateur '' et se retrouvent vite déqualifiés, avant d'être exclus de l'entreprise. E ne leur reste plus alors, qu'à rejoindre l'armée des déçus du progrès technique dont les rangs grossissent rapidement. Les fabricants de logiciels supportent une lourde responsabilité dans cette situation. Si les opérateurs réagissaient plus contre les matériels trop complexes, comme les usagers de la SNCF contre SOCRATE, gageons que nous verrions vite sur le marche des logiciels plus simples et plus conviviaux.

Par ailleurs, beaucoup d'entreprises qui se sont lancées inconsidérément dans les techniques nouvelles ont du mal à récupérer les bénéfices de l'opération en termes de rendement et de productivité et obligent parfois leurs opérateurs à travailler dans des conditions dangereuses et stressantes.

2) L'employeur a décidé d'équiper un atelier de nouvelles machines automatiques ; mais il a pris sa décision seul, sans consultation aucune et il se dit persuadé que les opérateurs vont s'adapter sans difficulté à cette nouvelle technologie. C'est évidemment la meilleure solution pour provoquer une réaction de rejet a priori de la part des personnes concernées. Dès qu'il va avoir connaissance du projet, le CHSCT demandera la convocation d'une réunion d'urgence pour obtenir des informations et présenter ses observations et objections. Il exigera de prendre connaissance du plan d'adaptation aux nouvelles technologies qui aurait dû lui être soumis auparavant et sur lequel il devait formuler un avis.

Un cadre précis pour l'expertise

La décision de recourir à un expert en cas de projet important d'irmovations technologiques n'est pas laissée à l'appréciation des deux parties en présence (employeur et comité d'entreprise et par répercussion, CHSCT). Elle s'exerce dans un cadre réglementaire (arL L 432-2 du Code du travail) et jurispludentiel précis.

Le droit à ce type d'expertise concerne seulement, rappelons-le, les entreprises de plus de 300 salariés qui prennent en charge la rémunération de l'expert.

Au-dessous de ce seuil, le comité d'établissement peut faire appel, dans le cadre des attributions socio-économiques qu'il exerce, à toute personne qualifiée susceptible de lui permettre d'exercer plus efficacement ses attributions (par exemple un ergonome) et c'est lui qui doit prendre en charge la rémunération de cette personne.

Dans tous les cas, l'expert peut assister à la réunion du comité consacrée à l'examen de la question sur laquelle il a établi un rapport.

Le recours à l'expert en technologie suppose que soient réalisées les conditions cumulatives suivantes:

  • Existence d'un projet arrêté avec certitude par la direction (attention aux périodes dites d'expérimentation qui masquent souvent des décisions quasi définitives que l'on n'ose pas dévoiler avant d'avoir testé le degré de combativité du personnel. A l'inverse, si le projet a reçu un début d'exécution quand il est présenté au C E, l'expertise n'a plus lieu d'être et l'employeur peut se voir sanctionné.
  • Importance du projet, ce qui ne signifie pas qu'il doive concemer toute l'entreprise. La modification technologique d'un seul secteur ou atelier justifie l'experlise. En revanche, le projet doit dépasser le stade du simple aménagement technique, le remplacement de machines appartenant à la même génération ou la modification de conditions de fabrication non fondamentales.
  • Introduction de nouvelles technologies. Le degré de nouveauté doit s'apprécier en fonction de la situation antérieure de l'entreprise et non pas dans l'abstrait, Il s'agit donc d'innovations matérielles importantes, d'une rupture fondamentale avec le mode de production antéheur utilisé dans l'entreprise.
  • Conséquences sociales certaines: Selon la circulaire du 30 novembre 1984, les nouvelles technologies "doivent apporter de réelles modifications dans la situation. du personnel concerné, dans le domaine de l'emploi, de la qualification, de la rémunération, de la formation ou des conditions de travail". Il suffit même que l'un seulement de ces facteurs soit conceme.

Si le projet ne lui parait pas acceptable et si le chef d'entreprise refuse de le modifier, il reste au CHSCT à demander la désignation d'un expert (qui, dans les entreprises de plus de 300 salariés sera celui qu'a choisi le comité d'entreprise). Si l'employeur conteste la nécessité de l'expertise, le conflit sera porté devant le président du tribunal de grande instance, statuant en urgence. Les modalités de désignation de l'expert sont fixées dans le décret du 23 mars 1993.

3) L'employeur est décidé à jouer le jeu. Il va donc réunir le CHSCT pour lui annoncer qu'il envisage de faire construire un nouvel atelier dans lequel seront installés des matériels modernes, en remplacement d'installations obsolètes. Même s'ils ne manifestent pas une hostilité de principe à cette décision, l'attitude des représentants du personnel au CHSCT va être évidemment différente selon que le projet générera ou non des suppressions d'emploi.

En tout état de cause, Us ne donneront leui accord qu'à la condition d'être consultés dès la conception du projet, puis à son élaboration et à sa mise en oeuvre. Si tel est le cas, ils vont entamer alors une sorte de marathon fait d'études de dossiers, de réunions, de discussions interminables, de déplacements, au cours duquel ils vont s'attacher à:

Pas de complexe

On le voit par cette énumération qui est loin d'être complète, les représentants des -salariés au CHSCT peuvent dans certains cas (malheureusement de plus en plus rares) jouer un rôle actif et positif dans la mise en place de nouvelles technologies. La tâche peut leur paraître démesurée. Et pourtant, ils n'ont pas à faire de complexes ; ils ont de bonnes raisons pour agir ainsi:

Des concours extérieurs

Pendant que se déroulent les différentes phases de l'opération, les membres du CHSCT ont intérêt à rechercher aides et conseils auprès des représentants des services publics: inspection du travail, service prévention de la caisse régionale d'assurance maladie, délégation régionale de l'ANACT et, pour les entreprises du bâtiment, Comité régional de l'O.P.P.B.T.P (Organisme Professionnel de Prévention dans le Bâtiment et les Travaux Publics). Outre les avis de techniciens très qualifiés, (ingénieurs, ergonomes, psychologues, formateurs), ces organismes mettront à leur disposition une documentation qui leur sera très utile. L'entreprise pourra même, dans certaines conditions, obtenir des concours financiers pour mener à bien son opération de modernisation: contrat de prévention pour les P.M.E., aides du Fonds pour l'amélioration des conditions de travail pour les autres (voir chapitre "Organismes Extérieurs"),

Enfin, signalons qu'il existe plusieurs publications spécialisées qui présentent régulièrement des exemples d'expériences réussies dans le domaine des conditions de travail: la revue ''Travail et Sécurité'', éditée par l'Institut National de Recherche et de Sécurité, le "Mensuel'' de IANACT, la revue ''Sauvegarde des chantiers'' de l'O.P.P.B.T.P. Les tarifs d'abonnement à ces publications sont très modiques; elles devraient constituer la documentation de base de tout CHSCT bien organisé.

Comment préparer son dossier

L'amélioration des conditions de travail, une tâche qui implique de la part du membre de CHSCT, beaucoup de bon sens, de discernement, de ténacité, et... un minimum de connaissances techniques.Mais répétons-le ici, il ne s'agit pas de vouloir s'élever au niveau des spécialistes ni de chercher à les remplacer et encore moins de se substituer à l'employeur.

Les connaissances techniques, il en est très peu question dans cette brochure, d'autant moins qu'elles évoluent très rapidement, Il nous paraît en effet plus important d'essayer de faire comprendre dans quel esprit il faut aborder le problème des conditions de travail; la stratégie a ici son importance. D'abord, face à la direction, garder son sang-froid, ne pas se laisser "déborder'', demander à réfléchir, exiger des délais, (ce qui n'est pas toujours facile car l'employeur veut une réponse immédiate). Apprendre ensuite à constituer son dossier, à le nourrir avec tous les éléments glanés de part et d'autre, auprès des personnels intéressés, bien sûr, mais aussi de la hiérarchie, du service social, du médecin du travail, etc... Se méfier de sa propre opinion, de ses a priori, rechercher l'échange, le dialogue, le conseil.

Tout membre de CHSCT bien organisé doit avoir son propre réseau de conseillers, vers lesquels il va se tourner au gré de ses besoins. Le premier cercle de ces conseillers, c'est évidemment l'organisation syndicale: les camarades de l'U.D, de la fédération, le secteur conditions de travail ou le service juridique de la confédération.

Le deuxième cercle, ce sont les techniciens de l'entreprise: médecin du travail, ingénieur de sécurité, services de sécurité, d'entretien, de formation, etc... Une discussion d'homme à homme, en dehors de la hiérarchie, est toujours très utile.

Le troisième cercle, ce sont les ''institutionnels'': l'Inspecteur du travail (qui préfère conseiller avant d'avoir à jouer au gendarme) et le contrôleur de sécurité ou fingénieur-conseil du service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie (des techniciens dont la compétence peut être très précieuse). Il ne s'agit là que de consultations ''officieuses" ; mais les représentants des deux organismes cités ici peuvent, bien entendu, inter-venir officiellement si nécessaire.

N'oublions pas les techniciens des organismes de contrôle et de vérification des installations qui, même si leurs services sont payants, ne refusent jamais un conseil, ainsi que les services techniques des mairies et préfectures (qui ont à connaître des permis de construire), les pompiers et la protection civile pour tous les problèmes de lutte contre l'incendie, les risques majeurs, la protection contre les risques de pollution, d'intoxication, mais aussi les accès ou l'aménagement des bâtiments.

Enfin, on pourra consulter avec profit les services techniques de l'Institut National de Recherche et de Sécurité (voir chapitre ''Organismes extérieurs'') dont les services sont entièrement gratuits et qui présentent l'avantage de disposer de spécialistes, compétents dans à peu près tous les domaines et aptes à répondre sur le champ à des questions de nature très diverse.

Reste la consultation des textes officiels (lois, décrets, arrêtés, circulaires, normes, dispositions générales et recommandations de la C.N.A.M.) qui, reconnaissons-le, est difficile et rébarbative. Tout est réuni dans le code du travail et dans le manuel "hygiène et sécurité du travail'', (dit ''Pluyette''), recueil de tous les textes officiels relatifs à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail (commencer par la table des matières et la liste de mots-clé), Enfin, nous ne saurions trop recommander une nouvelle fois la lecture régulière des revues spécialisées et citées plus haut qui informent régulièrement leurs lecteurs de la parution des textes officiels importants.