DES OUTILS pour L'ACTION

En conférant au CHSCT un  statut d'institution représentative du personnel, le législateur a marqué sa volonté d'en faire un organe autonome doté de pouvoirs d'investigation et de proposition. En accordant aux représentants salariés la protection légale dont bénéficient les délégués des autres institutions représentatives, il a augmenté considérablement leursprérogatives et leurs capacités d'action, Encore faut-il que ceux-ci connaissent les moyens mis à leur disposition et sachent les utiliser à bon escient. Il nous a donc paru utile de récapituler ici les pnncipaux outils de travail que tout membre de CHSCT peut - et doit - utiliser s'il veut être efficace et respecté.

Comme tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, le CHSCT est doté de la persormalité civile. Il a donc la capacité d'ester en justice (notamment en cas de désaccord sur le recours à un expert prévu à l'article L.236-9) en désignant un représentant en son sein habilité à le faire en son nom.

Quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres, soit au fonctionnement régulier des CHSCT. notamment par la méconnaissance des dispositions de l'article 236-11 (Protection contre le licenciement en cours de mandat.) et des textes réglementaires pris pour son application, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 2.000 à 20.000 flancs ou de l'une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l'emprisonnement peut être poilé à deux ans et l'amende à 40.000 francs.

Pour ce qui concerne ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux, le CHSCT peut adopter des décisions ou des résolutions à la majorité des membres présents à la réunion (l'employeur étant parfois exclu du vote).

Le Comité reçoit du chef d'établissement toutes les informations nécessaires à l'exercice de ses missions. Il s'agit d'une obligation générale qui ne saurait se réduire aux documents qui doivent être fournis au titre de certaines obligations réglementaires. Cette information doit être réelle et aucune condition de confidentialité ne saurait être opposée aux membres du CHSCT.

Des informations écrites et précises relatives aux points sur lesquels le CHSCT sera consulté doivent être envoyées quinze jours au moins avant la réunion avec l'ordre du jour (R 236-8),

Le chef d'établissement est tenu de consulter le CHSCT sur les documents se rattachant à sa mission (L. 236-2).

La consultation doit être réelle, il doit y avoir discussion et réponse motivée du chef d'établissement aux observations du CHSCT , elle doit être faite en temps opportun et non après un commencement de décision.

Sans modifier en quoi que ce soit la responsabilité de l'employeur en la matière, le Comité peut contribuer à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et susciter toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer à cet effet des actions de prévention.

Ce pouvoir est réel et concret: l'employeur qui refuse ces propositions doit motiver son refus. Notons toutefois que cette disposition ne vise pas l'amélioration des conditions de travail, mais uniquement la prévention des risques professionnels.

Les membres du comité reçoivent les moyens nécessaires aux déplacements imposés par les enquêtes et inspections (frais engagés, temps de déplacement) et par les missions qui leur sont confiées.

Les représentants du personnel au CHSCT bénéficient d'un crédit d'heures variable selon l'effectif de chaque établissement (ait. L.236-7).

Protection identique à celle des autres membres du comité d'entreprise ou d'établissement (ait. L.436-1 à 3).

Le comité est consulté avant (et non après !) toute décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment avant toute transformation imposr tante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité, liées ou non à la rémunération du travail..

Les résultats des contrôles et vérifications effectuées sur certains matériels ou installations doivent être soumis au CHSCT. Celui-ci peut en demander communication à tout moment (ait. R 236-13).

La communication au CHSCT doit se faire dès la réunion qui suit la réception du document établi par l'organisme de contrôle.

Lors des visites effectuées par l'inspecteur ou le contrôleur du travail, les représentants du personnel au CHSCT doivent être informés de sa présence par le chef d'établissement et doivent pouvoir présenter leurs observations.

L'employeur doit informer les membres du CHSCT des observations faites par l'inspecteur du travail ou l'agent du sel vice de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie dès la réunion qui suit leur intervention (Art. R 236-13).

Le registre sur lequel sont portées les observations et mises en demeure de l'inspecteur du travail peut être consulté à tout moment par les membres du CHSCT. L'employeur est autorisé à réunir les informations relatives aux vérifications, contrôles et observations des agents extérieurs dans un registre unique, conservé pendant cinq années. Il peut aussi utiliser un autre support (informatique) lorsque les garanties de contrôle existent.

Intervention auprès de l'employeur en cas de danger grave et imminent.

Le CHSCT peut faire appel à un expert agréé:

Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. L'employeur est autorisé à réunir les informations relatives aux vérifications, contrôles et observations des agents extérieurs dans un registre unique, conservé pendant cinq années. (Protection contre le licenciement en cours de mandat.) Il peut aussi utiliser un autre support (informatique) lorsque les garanties de contrôle existent. Devant l'augmentation rapide des maladies imputables à l'amiante, une action prioritaire a été lancée en 1995 en direction des entreprises dont les salariés peuvent être en contact avec cette substance. En outre, les valeurs limites de concentration moyenne en fibres dans l'atmosphère des lieux de travail ont été abaissées.

En cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. (Protection contre le licenciement en cours de mandat.)

Au moins une fois par an, le chef d'établissement présente au Comité un rapport écrit faisant le bilan de la situation générale de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail ainsi qu'un programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail.

Ces représentants bénéficient de la formation nécessaire à l'exercice de leurs missions. Cette formation, renouvelée tous les quatre ans est à la charge de l'employeur.

De nombreuses dispositions du code du travail et de ses textes d'application prévoient expressément l'information, la consultation, voire la participation du CHSCT.

L'exigence mise par le CHSCT à faire respecter ces obligations lui ouvre des possibilités d'intervention dans des domaines très variés. Il ne nous est malheureusement pas possible ici de les citer toutes. Nous n'avons retenu que les plus importantes:

Approbation par le CHSCT du plan d'opération interne en cas de sinistre, établi par l'exploitant.

Avis du CHSCT sur le plan d'activité en milieu de travail établi par le médecin du travail.

Restons français!

La lecture du journal Officiel n'est pas toujours austère. Savez-vous qu'en présence d'un document comportant des obligations pour des salariés ou des dispositions dont la connaissance leur est nécessaire, ceux-ci peuvent exiger que l'on mette à leur disposition une version en langue française, Des sanctions pénales sont prévues à l'égard des contrevenants (contravention de 4- classe, soit 5 000 F). Des agents habilités peuvent même prélever un exemplaire des biens ou produits en cause (décret du 3 mars 1995, J.O. du 5 mars),

LA RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR
Il n'y a dans l'entreprise qu'un seul responsable,
celui qui choisit le processus de production, les
machines, installations et produits qui y contribuent

Pour les salariés français, le dernier jour de l'année 1991 sera peut-être à marquer d'une pierre blanche. Ce jour-là en effet, les rapports juridiques qu'ils entretenaient avec leurs employeurs ont été modifiés. L'affaire n'a pas fait grand bruit, d'autant que ces derniers, aidés par des juristes bien intentionnés, se sont efforcés de minimiser son importance; pourtant, c'est un fait, le 31 décembre 1991, le mythe du patron de droit divin a pris un vrai coup de vieux.

De quoi s'agit-il ? Depuis les débuts de l'ère industrielle, la définition des rapports contractuels entre employeur et salarié était relativement simple: le salarié était placé sous la subordination juridique de l'employeur et il lui devait une absolue obéissance. En contrepartie, le chef d'entreprise devait veiller au respect des dispositions réglementaires prises par les pouvoirs publics en matière d'hygiène et de sécurité du travail.

Cette obligation était de portée limitée puisqu'elle se bomait à l'observation de règlements de nature technique.

Aux termes du décret du 10 mars 1894, l'employeur qui respectait ces mesures remplissait vis-àvis de ses salariés ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité.

Les premiers signes de contestation sont venus du pouvoir judiciaire, PlutÔt que d'appliquer les premiers textes du code du travail, des juges ont choisi de s'appuyer sur les dispositions du code pénal (ail, 319 et 320). Des condamnations d'employeurs pour blessure ou homicide involontaire ont été prononcées, même en l'absence de violation de dispositions réglementaires, décisions confirmées par la chambre criminelle de la cour de cassation.

La juridiction suprême a même rejeté deux pourvois qui développaient l'argument qu'en l'absence d'une disposition réglementaire expresse, il ne saurait y avoir d'obligation pénalement sanctionnée.

En même temps, le pouvoir réglementaire va, lui aussi, élargir peu à peu le champ de la protection des travailleurs en définissant des obligations de portée générale. Une loi datée du 12 juin 1893 impose à l'employeur le respect de ceriaines prescriptions d'aménagement des locaux et d'utilisation des machines. L'idée de prévention collective commence à s'imposer au détriment des mesures d'ordre individuel.

Une autre loi très importante, la loi du 9 avril 1898 relative aux accidents survenus par le fait du travail ou à l'occasion du travail crée une présomption de responsabilité à la charge de l'employeur et lui impose de réparer les préjudices subis par les travailleurs placés sous ses ord es.

Primauté à la prévention

Sans nous étendre sur les subtilités d'un débat doctrinal qui dure encore, il faut mettre ici en lumière l'émergence, au fil des années, de la notion de risque professionnel qui, selon les uns, a pour effet d'atténuer la responsabilité de l'employeur, pour les autres de l'aggraver dans la mesure où il est à l'origine du risque. Déjà, la loi de 1898 détachait la réparation de l'accident du travail de la notion de faute de l'employeur et instituait un système d'indemnisation forfaitaire et partielle de l'accident.

L'Ordonnance du 4 octobre 1945 et la loi du 30 octobre 1946 créent la Sécurité Sociale qui détient désormais le monopole de la couverture des risques maladie, invalidité, décès, maternté, vieillesse et accident du travail,

La loi du 30 octobre 1946 marque une seconde évolution de la législation A,T. qui ne vise plus seulement la réparation de l'accident et de la maladie professionnelle, mais va privilégier la prévention, l'amélioration des conditions de travail, la réadaptation, la rééducation professionnelle et le reclassement. Il ne s'agit plus seulement d'indemniser les victimes, mais bien davantage d'empêcher les accidents.

La loi du 6 décembre 1976 va renforcer cette évolution. Elle a été précédée par l'accord-cadre du 17 mars 1975 signé par FORCE OUVRIERE. L'apport essentiel de cette loi réside dans la concrétisation d'une idée neuve, celle de la sécurité intégrée qui s'écarte de la notion traditionnelle du risque professionnel pour privilégier le rôle joué par toutes les parties intéressées, employeurs, salariés, C.H.S., mais aussi médecin du travail inspecteur du travail et, au niveau des partenaires sociaux, Conseil supérieur de la Prévention des Risques Professionnels (C.S.P.R.P), chargé de l'élaboration de la politique de prévention. La sécurité du travail devient désormais une préoccupation permanente, intégrée au fonctionnement de l'entreprise et non plus "ajoutée".

Autre apport important de cette loi, la primauté donnée à la prévention de conception qui s'est traduite par la publication d'un ensemble de mesures visant à protéger les travailleurs en amont de la production, tant en ce qui concerne les locaux de travail (qui ne peuvent être construits sans que soient intégrés les moyens destinés à garantir la sécurité et la santé des travailleurs) que les machines et les produits soumis désormais à des procédures de contrôle préalable à leur mise sur le marché.

Certains juristes ont reproché à la loi du 6 décembre 1976 d'atténuer la responsabilisé personnelle du chef d'entreprise dans la mesure où elle en a transféré une partie sur les concepteurs et fabricants. De la même façon, la loi du 23 décembre 1982 qui renforce incontestablement les attributions du C.H.S. (devenu C.H.S.C.T.) a pu donner l'idée à certains d'instaurer une sorte de co-responsabilité dans la gestion du risque. Inutile ici, de souligner le danger d'une telle approche qui s'apparente d'ailleurs à une autre idée tout aussi condamnable, celle de la citoyenneté dans l'entreprise, Notre confédération lutte depuis toujours, tant au niveau national qu'au niveau européen pour qu'en matière de sécurité, il n'y ait dans l'entreprise qu'un seul responsable, celui qui est à l'origine du risque puisqu'il choisit le processus de fabrication, les machines, installations et produits qui y contribuent.

La responsabilité du chef d'entreprise trouve son fondement dans l'organisation même du système de production. Responsable de cette organisation, l'employeur l'est également du fonctionnement quotidien de l'entreprise.

Il est le seul. à pouvoir apprécier le risque professionnel qu'il génère et auquel il soumet ses salariés; il détient seul_ les pouvoirs nécessaires pour prendre des mesures de prévention, élaborer des consignes de sécurité, informer et former son personnel. C'est à lui qu'incombe la mise en ceuvre de mesures de sécurité concernant les heux de travail, les machines et produits utilisés; c'est à lui d'organiser l'enfer mation et la formation des travailleurs à la sécurité dans l'entreprise, en particulier celle des nouveaux embauchés et des salariés placés sur des postes de travail nouveaux.

La faute inexcusable

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la notion de faute inexcusable de l'employeur est conditionnée par la réunion des quatre critères suivants:

  • faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une ornission volontaire
  • conscience du danger que devait en avoir son auteur
  • absence de toute cause justificative
  • défaut d'élément entionnel

Ce qu'il faut savoir, c'est que le caractère de gravité exceptionnelle est appréciée très diversement par les juges. Il est établi en général lorsque l'employeur a commis une faute involontaire présentant un caractère déterminant dans la réalisation du dommage, alors qu'il aurait dû avoir conscience du danger couru par le salarié. C'est le cas par exemple de l'accident survenu à un jeune ouvrier inexpérimenté, livré à lui-même et travaillant sur une cisaille-guillotine dont la lame était dépourvue de tout système de protection (cour de cassation du 29 avril 1975). C'est le cas encore, pour un ouvrier tombé d'un échafaudage mobile, même lorsque la cause déterminante de l'accident réside dans la négligence d'un préposé (cour de cassation du 17 avril 1994) ou dans la faute d'un sous-traitant (cour de cassation du 5 aoùt 1993) ou lorsque l'employeur manque à ses obligations d'entretien d'une machine (même dotée du certificat de conformité), présentant des vices apparents; et enfin , lorsqu'il ne rapporte pas la preuve qu'il a veillé à l'utilisation par le salarié d'un équipement de protection individuelle et alors même qu'il a mis cet équipement à sa disposition (cour de cassation du 7 janvier 1992).

En revanche, le fait que le salarié ait commis une faute déterminante dans la survenance d'un accident peut exonérer le chef de l'établissement de sa responsabilité pénale dans la limite où la faute imputée n'a pas été rendue possible par sa seule négligence ou son inobservation des prescriptions réglementaires ; cette faute justifie une limitation de la majoration de la rente et une réduction des indemnités allouées aux ayants-droit de la victime,

En cas d'accident suivi de mort et lorsqu'il apparaît, en fonction des éléments recueillis, que l'existence éventuelle d'une faute inexcusable de l'employeur peut être recherchée, la caisse primaire d'assurance maladie entre en lice, Son rôle est défini par la circulaire CNAM n' 332 du 5 juillet 1978 ; elle va inter-venir au niveau de la déclaration d'accident du travail, des enquêtes administratives et légales et de l'expertise technique, Elle va effectuer spontanément sans attendre une demande de la victime ou de ses ayants-droit. une recherche d'éléments lui permettant d'établir la cause et la nature de l'accident, éventuellement l'existence d'une faute inexcusable susceptible de donner lieu à l'application des dispositions de l'article L 468 du code de la sécurité sociale. Elle va ensuite jouer un rôle de conseiller technique auprès de la vicurne et des ayants-droit, en attirant leur attention sur Ica nécessité d'engager leur action en reconnaissance de la faute inexcusable avant le délai de prescription de deux ans.

Va commencer alors une procédure amiable, qui peut en rester là si l'employeur reconnaît sa faute, ou deverirt- contentieuse dans le cas contraire et qui débouchera sur la fixation du montant de la réparation complémentaire et des indemnités pour préjudices physiques et moraux. Les sommes versées par la caisse à la victime seront récupérées sur l'employeur au moyen d'une cotisation supplémentaire acquittée avec les cotisations normales ''accident du travail". Cette cotisation supplémentaire ne pourra cependant excéder 50 % de la cotisation normale ni 3 % des salaires servant de base au calcul de cette cotisation ; elle ne pourra être perçue pendant plus de -vingt années.

Notons que l'employeur, depuis la promulgation de la loi du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable, ce qui, jusque là, ne lui était possible que pour les fautes de ses substitués dans la direction du travail, Il n'est pas interdit pour autant a la sécurité sociale de lui imposer une majoration de sa cotisation accidents du travail.

Notons encore qu'un syndicat peut intervenir aux côtés de la victime et des ayants-droît, dans une action en faute inexcusable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et obtenir des domrnages-intérêts, au motif que "la violation par un employeur de son obligation d assurer la sécurité de ses employés porte un préjudice moral certain à l'intérêt collectif de la profession".

Certes, on a coutume de dire dans les entreprises que "nous sommes tous sur le même bateau''. justement, à bord d'un navire, le commandant est le seul maître à bord et personne n'oserait contester son autorité ; et à d'autres qui prétendent que quoiqu'on fasse "le travail comportera toujours des risques" et que d'ailleurs "nous sommes entrés dans la civilisation du risque", il suffit de répondre qu'il y aura toujours une différence intrinsèque entre risque "choisi" et risque "subi" et que si le premier reste notre affaire, c'est bien du second dont nous ne voulons plus.

Affichages obligatoires

L'employeur est tenu d'assurer l'affichage d'un certain nombre de documents sur les lieux de travail:

  • Texte du règlement intérieur.
  • Avis concernant la convention collective applicable
  • Textes relatifs à l'égalité des hommes et des femmes
  • Liste des membres du CHSCT avec indication de leur heu de travail
  • Consignes d'incendie
  • Consignes en cas d'accidents électriques
  • Adresse et n' d'appel du médecin du travail et des sel-vices de secours d'urgence
  • Nom, adresse, n' d'appel de l'inspecteur du travail
  • Avis concernant la durée du travail
  • Modalités d'exécution des travaux à domicile
  • Ordre des départs en congé
  • Affichages électoraux

Une véritable gestion de la prévention

Heureusement, depuis le 31 décembre 1991, la controverse est - à peu près - éteinte. L'ensemble des pays de la communauté européenne se sont mis d'accord sur une définition du rôle et de la responsabilité du chef d'entreprise qui clôt provisoirement la discussion sur le glissement de responsabilité auquel on nous convenait.

L'article L, 230-2-1, du code du travail, issu de la loi du 31 décembre 199 1, qui transpose plusieurs dit ectives européennes, notamment la directive-cadre n' 89-391 du 12 juin 1989 a le mérite d'être très clair. Il définit des principes généraux de prévention qui ont pour effet de confirmer en l'élargissant l'obligation de sécurité de l'employeur. Et surtout, il dépasse l'obligation ''statique'' de simple respect de la réglementation. Il intègre ces principes dans une gestion dynamique de l'entreprise. En plus d'une obligation de résultat, il crée une obligation de moyens. Les termes utilisés sont sans ambiguïté: le chef d'établissement pi-end les mesures nécessaires... il veille à l'adaptation de ces mesures,,., il évalue les risques il dispense une formation. Il s'agit bien là de principes d'action. On sort donc ici de la voie administrative pénale caractéristique du droit français où l'existence d'une situation de sécurité était fondée sur l'application de règles techniques. L'obligation légale de l'employeur est maintenant la même, en présence comme en l'absence d'une réglementation technique, celle-ci ne venant qu'en appui en définissant des prescriptions de caractère minimal.

Ce texte est clair; il est également précis: "le chef d'établissement doit, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail" ' Le non-respect de ces principes, s'il est à l'origine d 1 une situation dangereuse, peut justifier une mise en demeure du directeur départemental du travail et de l'emploi (art L. 230-5). En cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, il peut être constitutif d'une faute inexcusable de l'employeur.

Certains s'interrogent sur la signification précise du terme "évaluer" (traduction du terme anglais "évaluation") de la directive ; S'agit-il d'identifier le risque, d'en apprécier l'impor tance ou de le mesurer avec les moyens techniques appropriés ? (évaluer le niveau sonore, par exemple, en le mesurant avec un sonomètre). En fait, il semble que les trois significations soient valables et le même terme couvre donc une grande variété de situations.

Il est vrai que pour éluder ou atténuer sa responsabilité, l'employeur dispose de plusieurs échappatoires:

Examinons ces trois moyens.

L'obligation de sécurité du salarié

L'article 13 de la directive du 12 juin 1989 (transposé dans l'article L 230-3 du code du travail) prévoit expressément cette obligation, tout en limitant la portée de celle-ci puisqu'à l'article 5, il est précisé que les obligations de sécurité des travailleurs n'affectent pas le principe de la responsabilité de l'employeur.

La loi du 23 décembre 1982 stipulait déjà que l'obligation de sécurité du salarié consistait à respecter le règlement intérieur et les consignes de sécurité et elle instituait en contrepartie le droit pour les salariés de se retirer de leur poste de travail en cas de situation dangereuse. La loi du 31 décembre 1991 fixe le contenu de ce règlement intérieur. Il doit comporter, ''lorsque la nature des risques le justifie, des instructions qui précisent les conditions d'utilisation des équipements de travail, des équipements de protection individuelle, des substances et préparations dangereuses'' (art L 122-32 et L 230-3).

Le code du travail prévoit que le salarié qui ne respecte pas les dispositions du règlement intérieur peut faire l'objet de sanctions disciplinaires allant jusqu'au licenciement pour faute grave ; toutefois, la violation d'une règle de sécurité par un salarié n'est pas obligatoirement fautive. Encore faut-il qu'il ait reçu l'information et la formation requises pour le travail et qu'il possède la capacité de mettre en oeuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité des autres salariés de l'établissement. Il s'agit donc, on le voit, d'une responsabilité tout à fait limitée ; en outre, aux tel-mes de l'ai ticle L 23 1 -11, le travailleur ne doit supporter à ce titre aucune pénalité d'ordre financier (amende, diminution de salaire, etc... ).

La délégation de pouvoir

En matière d'hygiène et de sécurité, la responsabilité du chef d'établissement peut être engagée pour inobservation de prescriptions obligatoires du code du travail, même en l'absence d'accident (art. L 263-2) ; elle peut l'être également dans le cas où des accidents se produisent (en l'absence de toute infraction aux dispositions du code du travail) s'il peut être établi à sa charge (ou à celle de son préposé) une faute personnelle de négligence, d'imprudence, d'inattention, ainsi que le lien de causalité entre cette faute et le dommage subi par la victime.

Le règlement intérieur

Toute entreprise occupant habituellement au moins 20 salariés doit avoir un règlement intérieur. Tous les salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail sont comptabilisés: travailleurs permanents, contrats à durée déterminée, travailleurs temporaires, à temps partiel. Sont exclus les apprentis, les contrats de qualification, d'adaptation, de retour à l'emploi, d'orientation, d'emploi-solidarité.

Etabli par l'employeur, ce règlement doit être soumis avant son entrée en vigueur (sous peine de nullité) à l'avis du comité d'entreprise ou à défaut, des délégués du personnel et à l'avis du CHSCT pour les matières qui relèvent de sa compétence. La même procédure est applicable aux notes de service édictant des prescriptions générales et permanentes et qui font donc partie du règlement intérieur, (sauf s'il s'agit de simples modifications).

L'employeur soumet le texte approuvé à l'inspecteur du travail et en assure la publicité en déposant un exemplaire au greffe du conseil des prud'hommes ; il procède ensuite à son affichage dans les locaux de travail ainsi qu'à la porte des locaux où a lieu l'embauchage.

Les membres salariés du C,E. et du CHSCT devront se montrer très vigilants sur l'élaboration du contenu du règlement intérieur et les modifications éventuelles à lui apporter au regard de la loi du 31 décembre 1991. Celle-ci stipule en effet que les consignes de sécurité doivent être "adaptées à leur objet" ce qui exclut les consignes ''parapluie" excessives.

Le règlement intérieur, outre les dispositions générales et permanentes relatives à la discipline, fixe en effet (et exclusivement):

  • les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité et notamment les instructions qui précisent les modalités d'utilisation des équipements de travail et de protection. des substances et préparations dangereuses. Ces dispositions ont été renforcées par la loi du 31/12/1991. Elles découlent de la responsabilité de l'employeur en matière de sécurité.
  • les conditions dans lesquelles les salariés devront, à la demande de l'employeur, participer au rétablissement des condiÉons de sécurité compromises
  • les consignes relatives à la circulation. aux transports et manutentions, à l'emploi des matériels. machines et équipements, à l'utilisation de véhicules, au poil des équipements individuels de protection, etc..,

On le voit, il s'agit d'instructions fixant les obligations faites aux salariés de veiller à leur sécurité et à celle d'autrui: mais cette obligation est tempérée par le fait qu'elle doit être appréciée subjectivernent en fonction de la formation donnée au salarié. des informations qu'il détient et de sa faculté de compréhension. Si l'on se réfère à plusieurs décisions du Conseil d'Etat, l'obligation de veiller à sa sécurité et à celle d'autrui ne devrait pas figurer dans le règlement intérieur, ce qui est fortement contesté par plusieurs juristes éminents. Cela est si vrai qu'il est demandé au chef d'entreprise d'introduire dans le règlement intérieur des consignes de retrait du travail en cas de danger grave, imminent et inévitable. Il s'agit en quelque sorte d'organiser l'exercice collectif de ce droit. afin d'empêcher qu'un retrait désordormé mette en danger la sécurité d'autres travailleurs.

En contreparlie, il est demandé au salarié de signaler toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, ainsi que toute défectuosité qu'il constate dam les systèmes de protection,

Pour certains juristes, ce qui avait été conçu au départ comme une mesure de protection du salarié s'est transformée en une obligation. On peut en voir une confirmation dans la possibilité donnée au chef d'entreprise de prévoir dans le règlement intérieur des sanctions disciplinaires (allant jusqu'à la rupture du contrat de travail) en cas de faute grave commise par un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle!

Retenons encore que la loi interdit d'introduire dans le règlement intérieur des clauses contraires aux lois, règlements et accords collectifs de travail, des restrictions ou discriminations envers certaines catégories de salariés (ail L 122-34 à 38 du code du travail).

Sont illicites par exemple les clauses interdisant:

  • de chanter, siffler ou parler à ses collègues
  • de poiler des badges ou insignes
  • d'introduire un journal dans l'entreprise.

Est interdite également la clause obligeant à poiler en permanence un uniforme, sauf pour l'exercice de certaines fonctions. En revanche, l'exigence du port d'un vêtement de protection pour des opérations dangere mes est tout à fait licite.

Pour les entreprises qui éprouveraient des difficultés à établir leur règlement intérieur, signalons qu'il existe des règlementstype qui sont publiés par des revues spécialisées (notamment ''Les liaisons Sociales)"

Signalons également l'existence d'une circulaire du ministère du travail du 10 septembre 1991 qui propose un examen d'ensemble des clauses du règlement intérieur dont la validité est confirmée (ou contestée selon les cas) par l'administration et la jurisprudence, la première n'étant pas toujours d'accord avec la seconde. Un exemple: l'utilisation de l'alcootest dans l'entreprise, acceptée par l'administration sous certaines conditions, est refusée par la jurisprudence au motif que J'alcootest "a pour objet de faire cesser une situation dangereuse et non de constater une faute".

Le chef d'établissement ou son préposé sera alors poursuivi pour homicide involontaire (art. 319 du code pénal), ou blessures involontaires (art. 320 du même code). Cette responsabilité pénale est imputée expressément à celui qui, étant chef d'établissement, directeur ou préposé, par sa faute personnelle, a enfreint les prescriptions en vigueur.

Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, il appartient en effet au chef d'établissement de "veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le code du travail ou les règlement pour son application. Il ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale que s'il a apporté la preuve qu'il a délégué la direction de l'établissement à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur".

Cette possibilité de délégation a été ouverte pour tenir compte de l'augmentation de la taille des entreprises et de la complexité croissante de leur organisation. Considérant qu'il est difficile à un seul homme d'exercer une surveillance réelle et permanente des conditions de sécurité, les tribunaux recherchent, s'il y a lieu, le responsable effectif, autre que le chef d'établissement, doté par lui de la compétence et de l'autorité nécessaires pour assurer cette surveillance.

La délégation de pouvoir n'a pas de définition légale. Son existence (ou son absence) est donc laissée à l'appréciation des juges ; toutefois, la réalité du transfert de responsabilité du chef d'établissement à un ou des collaborateurs ne pourra être retenue par les tribunaux que si la délégation de pouvoir répond aux critères suivants:

Plusieurs décisions de la Cour de cassation reviennent quelque peu sur ce formalisme. Une délégation peut, par exemple, résulter des termes même du contrat ou de la nature de la prestation à effectuer.

La responsabilité pénale des personnes morales

Depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau code pénal, l'employeur dispose d'une autre possibilité: faire supporter par l'entreprise le paiement des amendes qui lui sont infligées pour atteinte involontaire à la vie et à l'intégrité physique de ses salariés. Il peut en être ainsi lorsque le non respect des mesures de sécurité apparaît comme une défaillance dans l'organisation générale de l'entreprise et non comme un manquement ponctuel du chef d'entreprise à une obligation précise.

Bien que la loi prévoie un cumul des responsabilités Ga condamnation de l'employeur ou de ses préposés s'ajoutant à celle de l'entreprise, en tant que personne morale) on risque ainsi d'assister à la disparition progressive de la présomption de responsabilité personnelle de l'employeur, tout du moins à une atténuation de sa responsabilité pénale de principe.

Aux termes de l'article 121-2 du nouveau code pénal, "les personnes morales sont désormais pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou leurs représentants" » Les organes en question sont: les directoires, assemblées d'actionnaires ou porteurs de paris ; les représentants, ce sont les personnes mandatées par la personne morale pour agir en son nom (et non dans leur seul intérêt personnel).

Face au juge, c'est évidemment une personne physique, représentant légal de la personne morale donc l'employeur ou toute personne bénéficiant d'une délégation de pouvoir - qui va représenter la société. Toutefois, si l'employeur est poursuivi pour les mêmes faits, le tribunal désignera alors un mandataire de justice à sa place.

Les peines encourues par les personnes morales peuvent aller de l'amende (sur la base d'un taux maximum égal à cinq fois celui qui est prévu pour les personnes physiques) à la mise sous surveillance judiciaire et même à la fermeture, définitive ou pour cinq ans au plus, du ou des établissements ayant servi à commettre l'infraction..

Le nouveau code pénal

L'instauration, depuis le 1er, mars 1994 d'un nouveau code pénal devrait avoir des effets bénéfiques en matière de prévention des accidents du travail, car ce code aggrave sensiblement les pénalités frappant le chef d'entreprise responsable d'infi actions aux règlements en vigueur ou de manquements à son obligation de sécurité; en outre, il crée une nouvelle incrimination: la notion de mise en danger d'autrui.

L'ancien article 319 du code pénal (homicide involontaire) est remplacé par l'article 221-6 qui sanctionne l'atteinte involontaire à l'intégrité corporelle d'autrui se traduisant par la moi t, que celle-ci soit due à un comportement actif ou passif.

Les peines encourues sont aggravées:

Article 221-6

Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation clé sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements la mort d'autrui, constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 300. 000,francs d'amende,

En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence, imposée par la loi ou les réglements, les peines encourues sont poilées à cinq ans d'emprisonnement et à 500. 000 francs d'amende.

L'ancien article 320 du code pénal (blessures involontaires) est remplacé par les articles 222-19 et 222-20. Sont visées non seulement les atteintes à l'intégrité physique mais aussi à l'intégrité psychique.

Les peines encourues sont de 2 ans d'emprisonnement et /ou de 200. 000 fi ancs d'amende.

Article 222-19

Le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence iinposée par la loi ou les règlements, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d'empnsonnement et de 200. 000 francs d'amende.

En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposéepar la loi ou les réglements, les peines encourues sont portées à trois ans d'emprisonnement et leu à 300,000 francs d'amende.

Article 222-20

En cas d'incapacité totale de travail de moins de trois mois., un an d'emprisonnement et 100.000 francs d'amende.

Article 223-1 nouveau (mise en danger)

Cet ai ticle crée une nouvelle incrimination sanctionnant le simple fait d'exposer une personne à un risque immédiat de mort par la violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité, même dans le cas où il n'y a pas de victime. Cette disposition nouvelle est destinée à prévenir certains comportements dangereux, aussi bien au travail que sur la route.

Exemple:

Un chef de chantier qui prive volontairement d'un harnais de sécurité les ouvriers qui doivent accomplir un travail dangereux, doit être poursuivi même si ces ouvriers n'ont pas été blessés, puisqu'il a pris le risque de les soumettre à cette possibilité d'accident.

Article 223-1

Le fait d'exposer directement autrui' à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, est puni d'un an d'emprisonnement etlou de 100, 000 francs d'amende.

Personnes morales

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, des infractions définies aux articles 222-19, 222-20 et 223-1. Les peines encourues vont de l'amende à la confiscation de la chose ayant servi à commettre l'infraction, en passant par l'interdiction définitive ou pour cinq ans d'exercer une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales et la surveillance judiciaire.

Code du travail

Rappelons ici qu'en matière d'hygiène et de sécurité du travail le non respect d'une disposition réglementaire constitue une infraction pénale qui engage la responsabilité de l'auteur sur le fondement du code du travail (article L 263-2), La responsabilité de l'auteur de l'infraction pourra ainsi être retenue sur le terrain à la fois du code du travail et du code pénal. Une telle possibilité n'existait auparavant qu'en cas d'accident du travail.